"Au rapport, Giovanni.
- Madame Cundan, j'ai le regret de vous annoncer officiellement la mort du soldat Leckebeck.
- Et l'autopsie?
- Il semblerait que, lorsqu'il est entré en contact avec l'eniripsa, son corps ait... comment dire... arrêté de vivre. Tous ses organes internes, incluant cœur, poumons et cerveau, ont subitement cessé de fonctionner. Le processus de réanimation s'en est donc vu inutile. Il est probable qu'Auriny elle même n'aurait pas pu inverser son œuvre.
- Bien."
Isabella avait dit ces mots sans aucune émotion, et rebaissa sa tête dans les pages du journal de Wayh, qu'elle lisait attentivement depuis déjà plusieurs minutes. Elle ignorait totalement Giovanni, ce qui énerva le soldat au plus haut point.
"C'est tout? demanda-t-il.
- Je vous demande pardon?
- Sans vouloir vous offenser, madame, je trouve que vous faites un très mauvais choix en la laissant en vie. Vous n'avez pas entendu ce qu'a dit Simon? Nous ne connaissons même pas la portée de ses pouvoirs. Sans la bulle temporelle, qui sait combien d'entre nous seraient morts!
- Une telle puissance mérite justement d'être étudiée, affirma la femme. Elle est enfermée, elle ne peut plus faire de mal à personne maintenant.
- Et s'ils s'évadent? Ne prenez pas de risques, madame, et renvoyez-les dans leur monde.
- Colonel, vous semblez oublier que même Stewtank ne pourrait que difficilement s'enfuir de l'une de ces cellules. Alors, ne pensez pas qu'il leur est possible. Et puis, d'ailleurs, nous les arrêterions, il y a des caméras partout. Rassurez-vous, il n'y a aucun risque."
Et elle replongea dans sa lecture, l'ignorant à nouveau. Giovanni serra les dents. Des années et des années qu'elle lit et relit le journal de son mari, obnubilée par les recherches scientifiques que ce dernier a mené pendant son séjour sur Terre. Il allait la saluer pour se retirer, lorsqu'une voix se fit entendre derrière lui:
"Pourquoi tenez-vous tant à étudier les nouveau-nés?
C'était Charles.
"Tiens tiens, Charles! s'exclama Isabella. Alors, quoi de neuf? Avez-vous trouvé Chloé?
- Non madame. Par contre, j'ai découvert des choses intéressantes...
- Parlez.
- Je pourrais vous dire la même chose.
La dame aux cheveux noirs ouvrit grand les yeux, interloquée.
- Quoi?!
- Vous savez des choses que j'ignore. J'aimerais pouvoir lire le journal de Wayh.
Isabella cacha le carnet, outrée.
- Comment osez-vous...
- Vous avez déjà quatre nouveau-nés sous la main. Pourquoi Chloé?"
Elle ne répondit pas. Charles reposa une autre question, en pesant bien ses mots:
"Chloé Siméas est-elle la fille d'Andyspak?"
Il y eut le silence. Giovanni, qui semblait le plus surpris devant cette affirmation interrogative, passa son regard de l'un à l'autre. Finalement, Isabella soupira, et sortit un carnet de sa poche, un carnet dont la reliure semblait faite d'écorce. Ce n'était de toute évidence pas le journal de Wayh. Charles plissa les yeux. Sur la couverture, on pouvait y lire: "Journal de Brachior Siméas, sadida."
"Leur père?
- Oui. Nous étions amis à l'époque. Je fus l'une des premières, et des seuls, à apprendre son histoire.
- Quelle histoire? l'interrogea Charles, intéressé.
- Dans la reconstitution complète des faits, cela se déroule 12 ans après l'arrivée des wakfusiens sur notre planète, commença-t-elle. Ces derniers étaient bien installés dans la société, et la vie allait bon train. Le démon avait été vaincu plusieurs années auparavant, et le scepticisme s'était presque envolé à 100%. C'était une journée comme une autre dans la vie des Siméas. Le mari était parti travailler, alorsq ue la femme avait fini sa journée. C'est alors que, contre toutes attentes, Brachior revint plus tôt...
- Ce n'étais pas lui, n'est-ce pas? C'était Andyspak?
- Vous êtes perspicace, Charles.
- Rappelez-vous, je le connais mieux que quiconque.
- En effet, il s'agissait du démon transformé, continua Isabella. Disons que cette forme lui a permis plus facilement de... partager le même lit qu'elle.
- Il l'a violé?
- Dans un certain sens, oui. Lorsque le vrai est arrivé, il s'est vu lui-même avec sa femme, ce qui a été un choc. Puis, Andyspak a sourit et s'est volatilisé, comme il en a l'habitude de faire. 9 mois plus tard est née Chloé Siméas. Par peur, et aussi pour la sécurité de sa fille, Brachior l'a envoyé à Altroo, Wayh et Saternio pour l'analyser, l'étudier. C'est d'elle qu'ils ont pu débuter leurs fondements théoriques sur les nouveau-nés.
- Et?
- Andyspak avait copié l'adn du père, ce qui signifie que la fille est techniquement la fille légitime de Brachior. Elle est presque une sadidette normale.
- Presque? Qu'est-ce que Wayh a découvert? voulut s'enquérir Charles à nouveau.
- Assez! Ce qui se trouve dans le journal de mon mari restera secret! explosa Isabella.
Elle se reprit, puis dit:
- Ce fut la preuve qui poussa Saternio à rechercher le démon. La seule chose que ce trio de scientifiques n'a jamais découvert, c'est pourquoi il a voulu d'une fille...
- Je crois que j'ai une piste, proposa le pirate informatique.
Isabella leva les yeux, surprise, pour l'écouter.
- Si Andyspak considérait Chloé comme sa fille, il l'a aussi appelé maman. Peut-être que...
- Je vois où vous voulez en venir. Vous êtes de ces idiots qui croyez aux voyages temporels, n'est-ce pas? ricana la dame.
- ... Pourquoi écarter cette possibilité?
- En tant que femme d'un xélor, je suis bien placée pour en parler: les machines à remonter le temps, ça n'existe pas!
___
Lily ouvrit lentement les yeux. Couchée sous ses draps, elle sentit sur la peau nue de ses jambes un contact avec une autre peau, plus froide. à moitié réveillée, elle tourna la tête; dans le lit, à ses côtés, Andy s'était assis. Le garçon aux cheveux roux regardait le mur du fond, l'air rêveur. La sadidette lui caressa le bras.
"Tu ne dors pas?
- Non.
- Qu'est-ce que tu fais? demanda-t-elle.
- Je réfléchissais.
- À quoi?
- À moi. À toi. À nous. À tout.
Lily se plaça en position assise pour se mettre à sa hauteur.
- Quelque chose te tracasse, Andy?
- Oui, répondit-il. Tu ne trouves pas cette histoire étrange?
- Comment ça?
- Ben, que mon épée sois la même que celle d'un démon dont vous avez tous peur... Et qui, par-dessus tout, semble être mon véritable père...
- Qui lui-même est le fils de ma sœur" conclut Lily.
Aussitôt que la sadidette eut dit ces mots, elle écarquilla les yeux, comme elle-même surprise de ses propres paroles. Elle plaça précipitamment ses mains devant sa bouche, et tourna son regard vers Andy. Celui-ci, tout aussi surpris, avait déjà tourné sa tête vers elle.
"Qu'est-ce que tu as dit? demanda-t-il lentement.
- Je... je ne sais pas... bafouilla Lily, confuse.
Le jeune homme remarqua une petite lueur au cou de la fille aux cheveux verts.
- Tu as dit que ce cristal te faisais dire n'importe quoi, non? Je peux voir?
Lily, encore sous le choc de ses propres dires, se sépara de son collier.
- Je... j'ai dit que... que... que Chloé...
- Était ma grand-mère, oui."
Andy plaça la collier à son cou, puis ferma les yeux. Le cristal s'illumina légèrement, et s'éteignit quelques secondes après. Le garçon rouvrit les yeux.
"C'est étrange... murmura-t-il.
- Quoi? voulut savoir la sadidette. Qu'est-ce qu'il y a?
- Absolument rien, répondit-il.
Les épaules de Lily s'affaissèrent.
- Rien? Comment ça, rien?
- Il y a bien de l'énergie à l'intérieur, mais je ne ressens aucun effet sur moi. Je ne vois pas non plus comment ce collier peut te faire agir de façon si...
- J'ai l'impression que le cristal analyse la situation actuelle du porteur et le fait agir en conséquences selon ce qu'il veut faire.
- Il serait donc intelligent?
- Pas nécessairement. Un ordinateur possède à peu près ces caractéristiques.
- Un ordinateur?
- Laisse tomber.
Lily détourna le regard, perdue dans ses pensées.
- Depuis le début, le cristal ne fait dire que des vérités ludiques, se dit-elle tout haut. Mais que le fils de ma sœur soit ton père est complètement insensé! Chloé est morte, et n'est jamais tombée enceinte! Sans compter que je ne vois pas comment elle pourrait être la mère d'Andyspak si ce dernier est plus vieux qu'elle.
- Un voyage temporel.
La sadidette fixa Andy.
- Quoi?! s'exclama-t-elle.
- Quoi?" la copia le jeune roux, surpris.
La jeune femme toisa le collier, qui brillait vaguement. Elle tendit la main et Andy lui rendit l'accessoire, qu'elle s'empressa de remettre à son cou.
"Il vaut mieux qu'un seul d'entre nous deux se mette à dire des choses idiotes, affirma-t-elle. Beaucoup de xélors ont déjà voulu voyager dans le temps, mais aucun n'a jamais pu concevoir une machine qui le permettrait, ni même la source d'énergie qui l'alimenterait. C'est impossible.
- Tu en es sûre?
- Sûre et certaine. Je ne crois pas en cela. Le jour où quelqu'un réussira le prodige de remonter le temps, l'Arbre de Vie mourra" rigola-t-elle.
"CRAC!"
La porte de la chambre s'ouvrit à la volée. Cinq hommes fortement armés firent irruption dans la pièce, et pointèrent leurs armes sur le lit où se tenaient Andy et Lily. Cette dernière, encore nue, cacha prestement sa poitrine à l'aide de ses draps. Sous l'ordre de celui qui semblait être le chef, l'un des hommes se dirigea vers l'épée du garçon. Celui-ci ne lui laissa pas le temps, et l'épée se dématérialisa pour reprendre forme dans sa main. Toujours aussi menaçant de son canon, les hommes s'approchèrent lentement. Lily, effrayée, recula de quelques centimètres.
Soudain, on entendit une salve de coups de feu, puis des cris. Ça venait de la chambre de Gendiki! Les bruits durèrent 10 secondes, puis vint le silence. Un bruit de liquide gluant se fit entendre. Les soldats tournèrent leurs regards (et leurs fusils) vers le mur. Sans prévenir, une forme noire se matérialisa graduellement sur le plancher, et, telle une flaque vivante, se dirigea sous les pieds des hommes. Au moment ou ceux-ci se trouvèrent au-dessus de la chose, ils commencèrent à s'y enfoncer, comme dans des sables mouvants. Ils se débattirent, mais sans succès; ils étaient attirés inexorablement dans le liquide.
Lorsqu'ils eurent complètement disparu, la flaque changea de direction et s'approcha du lit. Arrivée au côté, elle s'éleva du sol, et commença à prendre une forme humaine. La substance noirâtre se concentra sur l'un des bras de l'individu pour y former des tatouages, tout en laissant apparaitre un corps très familier.
"On s'en va" prononça lourdement Gendiki.
Page précédentePage suivanteCréé le 27/10/12 é 09:34
Derniére modification le 23/08/13 é 01:05
Liste des principales mises é jour :
24/02/13 - - Arrêt des images
- Moitié du carnet terminé