Les porteurs de wakfu - Les Carnets 12 abonnés

Par CegyYgec

Chapitre spécial 3

"Auréal? Tu vas bien?
- Percimol? C'est toi?

La flaqueuse, en le voyant arriver, se précipita aux bras de son mari, des larmes de joie aux yeux.

"Percimol, j'étais si inquiète pour toi! Alors, c'était toi, l'Epouvantail?
- Non, bien sûr. C'était Cerpolet, mon grand-père. Mais aujourd'hui, je reprend sa place. J'ai vaincu le chef des taures, il m'a promis qu'il ne reviendra plus.
- Tu... tu as fait cela? Tu as sauvé tous les flaqueux, en as-tu conscience?
- J'ai conscience que je servirai la justice et la paix tant qu'il me restera un souffle de vie." répondit Percimol.



Auréal recula d'un pas. Elle regarda de haut en bas le flaqueux qui se tenait devant elle. Elle n'avait pas remarqué au début, mais il semblait blessé et épuisé. Des débris flottaient dans l'eau qui composait son petit corps. Elle courut dans la cuisine, et revint avec un onguent et une petite pince. Sa patte aqueuse traversa le ventre de Percimol, et elle se mit à enlever les morceaux indésirables tendrement.

"Merci, souffla celui-ci.
- Tu m'avais promis que tu arrêterais le combat, commenta Auréal. Par ailleurs, tu ne pourras pas rester longtemps, tu as été banni avec Jackapal. Tu es empli de bonté, c'est la raison pour laquelle je t'ai marié, mais la Grande Eau a manifesté sa colère contre vous, et a farouchement défendu Chinopet...
- Chinopet est louche, et sans cœur. Il ne mérite pas d'être notre chef.
- Mais la Grande Eau...
- Assez de la Grande Eau!

Auréal soupira, appliqua sa lotion sur les plaies, puis l'embrassa doucement.

- Tu es un rénégat, Percimol, tu ne peux pas rester. J'ai peur pour toi. Si tu continues, ce n'est pas nous que tu mets en péril, c'est ta vie. La Grande Eau a toujours puni ceux qui étaient contre elle.
- Même si elle est toute puissante, si elle est vicieuse et cruelle, je ne peux la respecter!"

Percimol embrassa une dernière fois sa femme. Puis, il sortit silencieusement, tel un courant d'air. Il traversa le village des flaqueux sans se faire remarquer. Auréal versa une larme, qui se dilua dans son corps, et ferma la porte.



"Chinopet! Traître! Je savais que tu étais du côté des taures!
- Percimol? Comment m'as-tu retrouvé?!

Le chef des flaqueux était assis sur un trône fait d'or et de pierres précieuses, et des centaines de kamas étaient éparpillés sur le sol à ses pieds. Percimol était dégoûté. Il cracha par terre. Ces souterrains secrets, il les avaient trouvés en suivant deux flaqueux complices qui passaient dans une trappe. Et ils étaient juste en-dessous du village flaqueux! Les offrandes qui tombaient dans le puit pour calmer la Grande Eau, c'est lui qui les recevaient. Et il avait fais une entente avec les taures pour recevoir une partie de leur butin! Percimol s'avança d'un pas menaçant vers leur chef.



"Chinopet! Au nom de la Grande Eau, je t'arrête pour cupidité mortelle pour les tiens. Maintenant que les taures sont partis, tu vas répondre de tes actes!"

Le guerrier leva son marteau. Une lumière éclatante en sortit, comme pour démontrer de sa supériorité.

"Rend-toi, dit-il.
- Jamais!" cria Chinopet.

Il fut d'abord effrayé, puis il reprit contrôle de ses émotions. C'était mieux pour lui: il suffit que sa peur soit trop grande pour qu'il se liquéfie instantanément, comme tout flaqueux. Un sourire illumina son visage. Il se mit à marcher calmement en direction de tuyaux et manivelles.

"Tu aimerais savoir pourquoi la Grande Eau m'écoutes tout le temps, Percimol?
- Parle!
- Tu vois ces tuyaux? Elle contiennent de l'eau, beaucoup d'eau, de provenance directe de la mer. Lorsque je manipule les vannes, je peux créer à volonté, quand bon me semble, des colères de la Grande Eau.
- Et alors? ça ne fait que rajouter un méfait de plus à ta liste déjà grande!
- Mais vois-tu, d'habitude, le débit de l'eau est parfaitement contrôlé...

Il abaissa une manivelle.

- ... Je préfère me suicider que de vivre le reste de l'éternité haït par les miens!"

Un gigantesque tuyau se mit à s'ouvrir dans un grincement. Aux yeux de Percimol, la valve se fendit comme au ralentit. Dans sa tête, il vit tout ce qui allait arriver, en quelques centièmes de secondes. Tous les tuyaux communiquaient avec celui-là, la totalité de l'eau allait être déversée dans les tunnels. Le niveau du liquide transparent monterait, et inonderait tant que le plafond s'affaiserait. Le village des flaqueux, juste au-dessus, se verrait engloutit, et ses habitants, noyés! Tout le monde! Il ne peut y avoir de survivant, leur corps se dilue dans l'eau. Il vit une goutte s'échapper. Il baissa les bras, et sentit la fin proche.

Une autre image vient dans sa tête. C'était une flaqueuse. Auréal. Sa femme adorée. Ses yeux se froncèrent, sa poigne sur son marteau se fit plus forte. Il se mit à marcher en direction de l'ouverture.

"Tu as envie de mourir? s'étonna Chinopet. Tu devrais t'enfuir à toutes jambes, tu devrais avoir peur, tu devrais..."

Le traitre n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'une gigantesque vague l'engloutit. L'eau, tel un monstre gigantesque, se dirigea vers Percimol à toute vitesse. Le flaqueux souleva son marteau, et en frappa le sol avec force. Une onde de choc traversa les cavernes, et, tel un mur invisible, repoussa l'eau vers le tuyau dont elle venait. Ne perdant pas de temps, Percimol se jeta au travers du mince filet d'eau restant, et referma la valve. Il se laissa tomber à terre pour souffler. Il était épuisé, son corps, en traversant l'eau, avait failli se désintégrer. Mais il avait sauvé le village, c'était l'essentiel.

Soudain, il entendit une tremblement. Le sol commença à se fissurer sous ses pieds. La pression était trop forte, il allait tomber! Il regarda au-dessus de lui. Le plafond allait tenir, les flaqueux étaient en sécurité. Il sentit un grognement. C'était la véritable colère de la Grande Eau. Il eut une dernière pensée pour sa femme, et sourit.

"Tu avais raison."

Il ferma les yeux, et se mit à tomber. Un puissant courant le frappa de plein fouet, et l'emporta en pulvérisant la fontaine qui donnait accès aux tunnels. En un quart de seconde, c'était terminé.



"Il ze réveillera, il ze réveillera pas... il ze réveillera, il ze réveillera pas..."

Percimol ouvrit les yeux. Il cligna des paupières, comme si une lumière intense le frappait. Pourtant, et il le remarqua très vite, il n'y avait aucune lumière. Il se leva, et s'étira. Il n'avait plus aucune blessure sur son corps. Il regarda autour de lui, question de voir où il était. Mais il s'attendait à tout, sauf à ça: c'était du blanc, partout! En haut, en bas, à gauche, à droite, en avant, en arrière, partout! Il ne voyait même pas sur ce qu'il marchait!

"Il z'est réveillé" dit une petite voix féminine derrière lui.

Il se retourna. C'était une petite fille, une humaine, aux cheveux blond comme l'or et aux yeux bleus comme le ciel. Elle tenait dans ses mains une petite fleur, qu'elle avait préalablement arrachée quelques pétales. Elle jeta la plante par terre (ou du moins sur du blanc), et se mit à le regarder avec un sourire.

"Bonzour Perzimol.
- Nous nous connaissons?
- Non.

Le flaqueux tâta son corps.

- Je suis mort?
- Oui.

Le guerrier roula les yeux dans ses orbites.

- C'était une question rhétorique...
- Z'était une réponze rhéthorique.
- Où suis-je? demanda encore Percimol.
- Debout, répondit la fillette.
- Ça ne répond pas à ma question.
- Dit plutôt que z'est ta queztion qui ne va pas avec ma réponze.
- Mais c'est moi qui... enfin...

Franchement agacé, Percimol remarqua qu'il n'avait plus son marteau magique. Il se pencha, et tâta la surface invisible sur laquelle il était.

- Comment sort-on d'ici?
- En y entrant.
- Je crois que je vais arrêter de poser des questions... soupira le flaqueux.

La petite fille disparut, et réapparut devant lui.

- Z'ai bezoin d'aide.
- Non merci.
- Le monde a bezoin d'aide.
- C'est déjà mieux...
- Les univers ont bezoin de TON aide.

Percimol se mit à rigoler.

- Je suis un flaqueux. Personne n'a besoin de mon aide.
- Tu es le zeul qui peux régler zette guerre.
- Une guerre?
- Entre taures et flaqueux. Entre trools et Riktus. Entre Brâkmar et Bonta. Entre la Terre et le Monde des Douze.
- Écoute, je ne comprend rien à ce que tu dis, petite. Quelle guerre? Quand?
- Dans pluzieurs années.
- Et qu'est-ce qui te fais croire que je vais t'aider à la régler?
- Je zervirai la juztize et la paix tant qu'il me reztera un zouffle de vie. Zes mots proviennent de ta bouche. Je t'offre le zouffle, tu zerviras la juztize et la paix.
- Comment réussirai-je? questionna le flaqueux.
- À toi de voir."

Percimol remarqua que la fleur qui était sur le sol avait regagné magiquement toutes ses pétales. Il la ramassa, puis se retourna vers la blonde aux yeux bleus.

"Et qui créera cette guerre? voulut-il savoir.
- Moi."

Et elle disparut dans un portail bleu.



Les flaqueux étaient en deuil. Leur héros était mort. Pour se souvenir de lui à tout jamais, ils érigèrent une statue au centre de leur village. Un enfant avait découvert le marteau, qui était tout ce qui restait de Percimol. Auréal, lorsque la statue fut terminée, plaça elle-même le marteau de son mari. Puis, elle resta plusieurs jours sans bouger ni manger au pied de la statue.

Ce fût Jackapal, le complice de Percimol, le nouveau chef, qui vint lui parler.

"Je suis désolé pour votre mari, Auréal. Il est un héros. Le monde se souviendra de lui. Il est mort pour nous sauver.
- Tu n'as pas à être désolé, Jackapal.
- Hein?

Auréal se tourna vers lui. Elle était toute souriante.

- Il n'est pas mort. Et il reviendra. Je le sais."

La flaqueuse s'éloigna en sautillant.

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