Wakfu: l'histoire parallèle 2 (partie 1) - Les Carnets 19 abonnés

Par CegyYgec

Chapitre 10

"Et où a-t-elle dit qu'elle habitait, cette sorcière zobale?
- Dans Tonkult.
- Eh! On reste poli!
- Je parlais de la forêt, Rémiro..."

La petite bande s'était réveillée aux premières lueurs de l'aube. Même si un zaap pouvait les téléporter d'un bord à l'autre de la nation, il n'en restait pas moins que la forêt de Tonkult était très vaste, et que la traverser prenait du temps. Simon avait reçu les coordonnées précises de leur destination, et avait estimé le trajet à plusieurs heures de marche. Ce n'était pas très gros, mais il valait mieux se préparer en conséquence.

Selon Zultéria, son frère avait été la visiter plusieurs fois. Zultérion aurait été manipulé par les artifices de la sorcière. Des rumeurs douteuses planaient sur sa tête, et tout ceux connaissant son existence l'évitaient. Certains racontaient qu'elle portait la mort avec elle, et que tout ceux qui la croisent dans ses yeux se transforment en statues de pierre. D'autres plus imaginatifs racontent qu'elle se nourrit du sang des zobals, et qu'après les avoir dévorés elle leur vole leurs masques. Évidemment, la sœur du gouverneur ne croyait pas en toutes ces stupidités, mais quémanda quand même une grande prudence. Le dernier jour où on le vit, Zultérion pénétrait dans la forêt avec le vice-gouverneur.

Ils se regroupèrent donc devant le zaap. Lorsqu'Auriny vit Adonide arriver, ligotée bien sûr, elle se tourna vers Simon:

"Ne devrait-on pas la laisser s'en aller? Nous ne pouvons pas la garder, elle serait dans nos jambes, et en plus, elle est dangereuse...
- C'est moi qui ai demandé pour qu'on la garde avec nous, répondit l'enutrof.
- Mais... Pourquoi?
- Quelque chose m'intrigue avec cette sramette. Je veux en savoir plus.
- De quoi parles-tu?
- Je t'expliquerai plus tard."



Ils entrèrent dans le portail, et en ressortirent tout de suite après. La région de Tonkult était considérée assez dangereuse, car on disait qu'il y vivait de multiples monstres tels que des abraknydes et des araknes, qu'il valait mieux éviter.

"Et ici, nous allons devoir faire un petit détour d'environ deux heures, dit Simon en pointant une croix sur sa carte.
- Pourquoi? l'interrogea Andy.
- Des voyageurs disent qu'une famille de trools s'y est installé depuis quelques années. Étant donné que ces créatures possèdes un territoire d'environ 5 kilomètres de rayon qu'ils défendent ardemment, il serait plus prudent de...
- En fait, c'est seulement 4 kilomètres environ, l’interrompit le garçon.

L'enutrof posa sur lui des yeux interrogateurs.

- Et comment tu sais ça, toi?
- Euh... Ben... Je... Euh...
- Andy s'y connait beaucoup en trools, expliqua Lily. N'est-ce pas?
- Ou... ouais...

Simon avait l'air indécis.

- Si tu t'y connais tant que ça, tu dois savoir que cette race d'ogres est l'une des plus sauvages, bestiaires, et puissantes du Monde des Douze. Il faut plusieurs guerriers expérimentés pour en vaincre un seul! Je n'imagine même pas le jour où les trools se regrouperont pour former une armée... Ça serait vraiment la fin du monde!
- ...
- Trêve de bavardages! Marchons si on veut arriver avant le crépuscule!"

Ils partirent, s'enfonçant en file indienne dans la sombre forêt. Simon avait insisté pour garder un œil sur Adonide, c'est donc Auriny qui ouvrait le sentier.

"Tout cela m'a donné vraiment envie d'essayer... On peut passer par les trools? demanda Rémiro.
- Non!!!" crièrent les autres d'une seule voix.



L'après-midi était déjà bien avancé lorsqu'ils arrivèrent sur le terrain de la sorcière. Tout le groupe était silencieux. Mais Lily remarqua bien vite que ce n'était pas qu'eux qui gardaient le silence.

"Je n'entend plus rien... commenta la sadidette. Plus de chant d'oiseaux, plus de bruits d'animaux. C'est très inquiétant.
- C'est l'instinct naturel, avança Andy. Cet endroit possède une aura de mort...

Simon rajouta:

- Les histoires racontent que tout ceux qui auraient le malheur de la toucher seraient condamnés à mourir dans d'atroces souffrances dans les jours qui suivent le contact.
- Je ne suis pas superstitieux, affirma Rémiro.
- En tout cas, les animaux oui, commenta Adonide.
- Moi, je n'ai pas peur" dit Andy.

Une petite cabane apparut enfin devant eux. Ils s'y approchèrent, toujours avec précautions. À quelques mètres de la porte, ils s'arrêtèrent. Le garçon aux cheveux roux arma son épée, et s'avança pas à pas vers l'entrée. De la sueur perlait de son front, comme si c'était pour lui une épreuve insurmontable.

"Tu vas cogner, monsieur sans-peurs? rigola Lily en arrière.
- Oui oui, rien ne presse... répondit Andy. Je veux d'abord savoir si elle est vraiment dangereuse..."

Il s'accota sur la porte, pour tenter de regarder entre les planches de bois. Il n'eut pas le temps de voir quoi que ce soit; sans avertissement, la porte s'ouvrit et il tomba vers l'avant. À plat ventre sur le sol, il leva la tête. Il poussa un hoquet de surprise; à quelques centimètres de son visage, une face hideuse le regardait. Elle avait d'énormes yeux sans pupille, un sourire exagérément souriant, qui faisait une grimace la langue tirée, et... mais... non, ce n'était pas un visage, c'était un masque!

"Je ne reçois pas de visiteurs" clama une voix féminine derrière cette couverture.

Une main puissante agrippa Andy au visage, et le souleva du sol. Puis, la zobale propulsa le corps du jeune homme sur un arbre derrière ses amis. Elle donna un coup de pied sur l'épée pour la projeter hors de sa masure, puis claqua la porte. Lily se tourna vers Andy, qui se remettait péniblement debout.

"Elle t'a touché, non?"



"Madame, nous aurions besoin de votre aide, s'il-vous-plait! cria Rémiro en s'approchant.
- Je ne peux pas vous aider à retrouver le gouverneur!" lui répondit la voix derrière les murs.

Le iop haussa les épaules, et se retourna. Simon se renfrogna:

"On n'a pas marché tout ce temps pour se faire renvoyer de cette façon! Madame, vous semblez en savoir beaucoup plus que vous voulez nous faire croire!
- En effet, enutrof, tu devines bien. Mais cela ne change pas que je ne vous doit aucune information.
- Je vous en supplie, l'implora Lily à son tour. S'ils sont vraiment sur la planète Terre, ils...
- La Terre?!"

La porte se rouvrit lentement. La forme de la zobale se dessina dans le cadre. On put mieux la distinguer à mesure qu'elle s'approchait. Ils reculèrent tous d'un pas devant la porteuse de masques. Andy remarqua qu'elle l'avait à ce propos changé: ce n'était plus une mine grimaçante, mais plutôt un visage à caractère concentré. Il y était représenté deux yeux fermés. Étrange, d'autant plus que, même sans orifice, elle était capable (du moins elle en avait l'air) de bien se diriger. Un troisième œil d'un bleu vif était peinturé sur le front.

La sorcière se mit face à Adonide. Rapidement, elle l'a laissa de côté, et se plaça devant Charles. Elle fit un tour autour du terrien, puis passa à Simon. Elle fit semblant d'éternuer, puis arriva vers Lily. La zobale fit un geste de la main au-dessus de sa poitrine; le cristal clignota légèrement. Puis, elle agrippa le menton de Rémiro, et ouvrit sa bouche de force. Elle regarda un peu à l'intérieur, puis continua vers Auriny.

"Je vous interdis de me toucher!" dit cette dernière en reculant encore.

La femme masquée n'essaya même pas. Elle s'avança vers Andy. Elle se plaça fermement devant le garçon, et cessa de bouger. Celui-ci ne sut comment réagir, et ne put que déglutir. Il leva un peu les yeux. Mais... il lui semblait que... le troisième œil avait bougé! Il le fixait! Andy sentit un choc lui traverser les membres, comme s'il était observé de l'intérieur.

Une minute s'écoula. Soudainement, la zobale enleva son masque, dévoilant enfin sa véritable allure. Elle avait la peau anormalement claire, et ses yeux sans pupille reflétaient en elle une apparence juvénile et mature en même temps. Pourtant, son absence totale de rides lui donnait l'aspect d'une jeune dame dans la vingtaine. Elle portait un tatouage sur le côté gauche de sa figure, et des cheveux roux hérissés recouvraient son crâne tout en laissant le front à découvert. Un sourire l'illuminait tandis qu'elle reculait de quelques pas.

"C'est toi... C'est toi!



Elle se tourna vers le ciel.

- Je l'ai trouvé! Je l'ai enfin trouvé!! La prophétie va pouvoir se réaliser!!! Ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha! Enfin! Enfin!!"

Auriny se boucha les oreilles. C'était un rire strident, un rire à vous glacer le sang. Personne ne comprenait ce qui se passait, ni même Simon qui se contentait de regarder le spectacle sans commentaire. La sorcière se calma rapidement, et se retourna vers les voyageurs. Son sourire était maintenant plus amical.

"Bonjour, dit-elle. Je m'appelle Elulip Starzil, et je suis une disciple zobale. Comment puis-je vous aider?"

Le changement d'attitude avait été si rapide que personne ne réagit. Simon réussit tout de même à reprendre ses esprits et s'empressa de répondre:

"En fait, j'aimerais savoir comment vous connaissez la planète Terre. Personne ne...
- Oh, mais je ne connais absolument pas cette planète, rigola Elulip.
- Pourtant, votre réaction tout à l'heure..."

La zobale mit un doigt sur sa bouche pour l'inciter à se taire. Sans un mot, elle sortit un morceau de parchemin d'une de ses multiples poches de sa demi-jupe. Elle le tendit à Simon. L'enutrof le déroula, et se mit à lire:

"Alerte à vous, voyageurs de lointains, car parmi vous la vengeance n'apporte rien. N'écoutez pas cette fée pour qui l'amour perdra, et cet insouciant pour qui ne comptent que les combats. Délicate et fragile, la fleur est entre deux temps, accompagné de ce zobal, mais en est-il un vraiment? Y aller de main morte, pour lui, ça va sans dire, et pour elle, la mort est loin d'être dure à cuire. Saluez ce demi de tout, il vous prend en photo, dommage pour toi, petit myope, coincé dans le bateau. Pourquoi voyager ainsi, sans but, sans frontière, alors qu'il n'y a pas plus périlleux que la planète Terre? Avec tous vos pouvoirs, vous pouvez triompher, mais sur quoi, telle est la question à élucider...

Il reprit son souffle.

- Kilomètres de ce que vous croyez bien faire, votre véritable ennemi se cache dans ces vers. Qu'est-ce que c'est que ce charabia? Ça ne veut rien dire, et ça ne répond toujours pas à ma question!

Elulip prit dans ses mains un masque qui était accroché dans son dos, et l'attacha au-dessus de sa tête, dans ses cheveux.

- Lorsque ce masque tombe devant mes yeux, je tombe en trance et je débite une prophétie. Ça peut être n'importe quoi, même des choses qui me sont inconnues. Et lorsque le masque part, je n'ai plus aucun souvenir de ce que je viens de dire. Celle-là, déclara-t-elle en pointant le poème, est la seule à ce jour que j'ai pu lire.
- Et qui l'a écrite, si vous vous ne pouvez pas?
- Le vice-gouverneur."

Le soleil se couchait à l'horizon.Page précédentePage suivante