Les Six étaient réuni à l'intérieur du sac de Mysthys. Heolko gardait la tête basse, écoutant les remarques désobligeantes de sa Meneuse.
<<Rien qu'imaginer que, toi, l'assassin le plus performant de Shibia, tu ais échoué à liquider un Eniripsa aussi frêle et fragile me met dans une colère noire.>>
Les autres se taisaient. Bardop secouait simplement la tête pour appuyer Mysthys, mais il se gardait bien de prononcer un mot.
<<-Le pire, c'est peut-être que je ne suis pas en train de l'imaginer, mais de le vivre. Tu savais ce qu'était l'enjeu premier si tu échouais, non ? Fideus a tout simplement demandé de l'ajouter au groupe des Six, sans test. Il en était bien entendu hors de question, mais sous réserve qu'il ne te batte pas.
-I-Il ne m'a pas battu...!
se défendit Heolko.
-Ce qui revient à me poser quelques questions,
continua-t-elle en l'ignorant royalement. Le dénommé Eraldiel mérite-t-il sa place parmi les Six ? Cette question, je vous la pose, à tous. Nous ne le connaissons pas, il n'a encore rien fait pour Shibia, si ce n'est créer des tensions et faire sortir notre bien aimé Fideus du groupe des Six,
fit-elle tragiquement.>>
Elle se tut, regardant les cinq autres. Bardop se leva pour prendre la parole, tandis que Mysthys s'asseyait sur un des six tabourets crou qui était disposé dans son salon vide pour l'occasion.
<<Notre chère meneuse à bien entendu raison,
déclama-t-il. Nous ne savons rien de lui, à part qu'il est le nouveau petit ami de Fideus. Nous savons pertinement que notre ami se lassera bien vite de son nouveau jouet et qu'il reviendra la queue entre les jambes pour s'excuser. Sûrement que Bobby quittera Shibia lors de sa rupture avec lui. Mon avis est qu'il ne faut absolument pas le laisser pénétrer le cercle des Six, et ne lui donner aucune véritable responsabilité.>>
Il se rassit, laissant place à Ghurn.
<<Je l'ai observé un moment durant la journée pour témoigner du résultat du combat opposant Heolko et Eraldiel. Ce que je dois dire c'est qu'il n'y a pas vraiment eu de combat, Heolko ne s'est pas déclaré et l'a égorgé...par surprise, disons. Cela ressemblait plus à un assassinat qu'un test, à mes yeux. D'ordinaire, nous n'achevons pas les personnes que nous vainquons. Heolko a manqué à certains principes que Shibia défend depuis des années; je ne peux pas laisser ceci impuni. Que Mysthys veuille sanctionner Fideus, je le conçois. Mais qu'elle s'attaque à ses proches est inhumain et lâche. Puis, le fait qu'Eraldiel ait survécu prouve deux choses : il est d'une valeur rare et Fideus a très bien fait de nous le présenter, et Heolko ne fait plus le poids.>>
Il reprit son souffle un instant.
<<Ensuite, je pense que de remplacer Fideus à l'instant est une très mauvaise idée. Nous combattons ensemble depuis tant de temps ! Laissons-lui un moment de répit avant de voir s'il faut le remplacer directement. L'ajout d'Eraldiel chez les Six n'est par contre pas encore envisageable.>>
Il reprit sa place sur son tabouret. Vernaë se leva.
<<Heolko a voulu éliminer Eraldiel, non le combattre. C'est une honte pour la guilde ! Puis, Fideus reviendra dans les Six, c'est forcé : il est beaucoup trop fort pour être mit de côté trop longtemps. Il me manque déjà. Et si un petit Eniripsa le rend heureux, je suis d'avis de le laisser tranquille, non ?>>
Elle posa de nouveau son postérieur sur le tabouret. Katchin s'avança.
<<Je n'ai jamais rencontré l'Eniripsa dont vous parlez, alors ma vision est plutôt claire : il crée des tensions dans la guilde et doit disparaître au plus vite. Heolko devrait se charger de ce travail, vengeant son honneur et réglant un problème de surcroît. Je refuse de recéder ma place à Fideus, qui a clairement montré son immaturité. Il ne la mérite plus.>>
Elle fit un signe au Sram, qui prit sa place.
<<Comme dit Katchin, je suis d'avis de réparer mon erreur moi-même et de m'assurer personnellement de sa liquidation. Ce sera un honneur. Quant à Fideus, laissons-le en-dehors du groupe des Six pour l'instant. Il a besoin...de vacances.>>
Il fit une révérence, puis se réinstalla sur le tabouret. Mysthys reprit la place.
<<Je vous ai chacun entendu, je sais à présent ce que vous pensez être bon pour la guilde, et la décision que nous devrions prendre sur cette affaire. Je vous demande, solennellement : m'accordez-vous toujours votre confiance ?>>
Ils acquiescèrent d'un même mouvement.
<<Vous venez de vous lier de parole à mon jugement. Ma décision sera donc irrévocable et indiscutable. Vous appliquerez, quoiqu'il vous en coûte, ma directive. Vous assumerez le choix que vous venez de faire, que ce soit à l'encontre des valeurs du présent Gouverneur ou de la garde de la cité. Vous tiendrez tête en rétorquant que seul la protection est votre voeu, et parfois que la force est nécessaire pour contrer la destruction elle-même de notre écosystème.>>
La pression monta : chacun savait qu'elle venait de terminer le paragraphe habituel et qu'elle allait embrayer sur sa décision. Elle rouvrit la bouche.
<<Fideus réintégrera les Six selon mon bon vouloir, en attendant, il est mis de côté à propos de nos agissements. Eraldiel sera un membre à suivre, pour évaluer continuellement ses capacités et vérifier sa validité dans les Six. J'en charge Ghurn, en qui j'ai entièrement confiance pour cette tâche. Souvenez-vous que seul lui possède le privilège de faire passer les tests d'aptitudes à l'entrée des Six, et que c'est simplement grâce à ses capacités que vous êtes ici aujourd'hui. Remettre son jugement final en cause serait remettre celui avec lequel vous avez signé le contrat de ce soir. Heolko ne sera pas sanctionné pour son écart, mais c'est un avertissement que je ne souhaiterais plus donner. Si quelqu'un ressent le besoin de tuer ou détruire gratuitement des êtres vivants, qu'il se retire immédiatement de Shibia. Merci.>>
Puis elle quitta son salon pour partir dans son bureau. Les autres sortirent de son Havre-Sac, ne faisant aucun commentaire. Vernaë partit quasiment tout de suite avec Bardop à la taverne de la Bagrutte pour se détendre. Ghurn reprit le chemin du village des vents sans ajouter un mot. Katchin se tourna vers le Sram, toujours à proximité du Havre-Sac.
<<-T'as raté ton coup, là.
-Je ne te le fais pas dire,
répondit Heolko. C'était une occasion en or massif et je me suis fait avoir. Mais nous avons gagné du temps, n'est-ce pas ?
-Si peu...Tu crois qu'ça s'ra suffisant ?
-Viens, il va falloir qu'on cause stratégie. Si on est assez organisé, on y parviendra sans trop de bobos.>>
Ils prirent le même chemin, s'enfonçant dans la forêt de Racine, pour discuter, sûrement, de choses importantes et secrètes. Ils entrèrent alors dans les profondeurs obscures de Tonkult.
_______
<<-Fideus, qu'est-ce que vous cherchez, au juste ?
lança Eraldiel, espérant qu'il lui lâcherait la main en répondant à la question.
-Tout ce qui me permettrait de créer ton épée !
répondit-il en serrant encore plus les doigts de l'Eniripsa.
-Fideus...
marmonna-t-il.>>
Avec un sourire très Fideusien, il continua à parcourir tout le pont marchand avec son amoureux. Il ne se rendait pas compte à quel point Eraldiel ne partageait pas tout à fait le moment de la même façon que lui. Il ne cessait d'essayer de faire comprendre à l'Ecaflip qu'il avait une seule envie; se reposer. Il répéta le nom de l'Ecaflip encore et encore, avec une voix de plus en plus faible. L'Ecaflip ne remarquait pas les multiples appels à l'aide de l'Eniripsa qu'il avait au bout de la patte. Virevoltant entre les derniers étals restant à heure tardive, l'Eniripsa en eu finalement assez.
<<FIDEUS !
lui hurla-t-il dans le creux de l'oreille.>>
Ce dernier sursauta, complètement surpris par l'attitude d'Eraldiel. Il tourna la tête vers lui, levant un sourcil, une main plaquée sur son oreille un peu écorchée. Eraldiel retira sa main de la patte de Fideus avec vivacité et colère. A en juger par la réaction de l'Ecaflip, il ne comprenait pas du tout ce qu'il se passait. L'Eniripsa avait les poings serrés, un peu en recul de son buste, penché légèrement en avant. Il avait l'air vraiment excédé.
<<-Cela fait plus de DEUX HEURES que nous TRAÎNONS dans les rues marchandes alors que cela fait très exactement DEUX HEURES que je vous RÉPÈTE que je suis FATIGUE et que je voudrais M'ASSEOIR et m'installer AU CALME ! Vous m'emportez toujours sans me demander mon avis à tel ou tel endroit qui vous tient à coeur ! Et je ne vois même pas pourquoi je m'égosille à vous crier au visage les raisons de ma colère : vous ne m'écoutez JAMAIS ! Dans une relation, il faut savoir écouter son partenaire, et pas systématiquement faire selon ses propres besoins !
-A...Alors, toi aussi tu considères que nous sommes ensemble ?
sourit Fideus, heureux d'entendre son Eniripsa lui dire.>>
Eraldiel ouvrit des yeux tellement énorme que le Dieu Ecaflip aurait pu parier sur l'explosion instantanée de son cerveau. Il desserra un poing, et ouvrit la main. Il mit une claque magistrale à l'Ecaflip, qui due résonner sur tout le territoire. Cela lui rappelait sa Meneuse, le matin même. Se frottant la joue, il regarda l'Eniripsa décoller du sol et disparaître en direction des Champs de Cania. Il aurait juré avoir entendu un "Crétin" lorsqu'Eraldiel avait filé à toute allure. Fideus ne bougea pas pendant plusieurs minutes, complètement paralysé par ce que son Eniripsa lui avait fait. Il revint à la réalité lorsque Minazuki lui tapota l'épaule, bien plus tard.
<<-Hey, Fid ? Qu'est-ce tu fais là, comme ça ?
-Salut, Zuzu. ~(A prononcer 'Zouzou' :D)~
-"Zuzu" ?
répéta-t-il en clignant des yeux.>>
Fideus ne l’appelait "Zuzu" que lorsqu'il était malade ou légèrement ivre.
<<-Je viens de me faire plaquer de la manière la plus magistrale, Zuzu.
-Quoi ? Toi ? Te faire plaquer ? Depuis que je te connais, je crois pas que tu te sois encore fait plaquer par qui que ce soit...!
-C'est surtout ça le magistral...
-Mais, attends voir..
.fit-il en fronçant les sourcils, tu étais avec qui ?
-Ben, l'Eniripsa d'hier, pardi ! Tu t'en souviens quand même ?
-Ah oui...Le dîner catastrophe !
dit-il dans un sourire. Hey mais...quoi ?!>>
Minazuki ne comprenait rien à la situation. Pour lui, hier était un fiasco : hors de question que son pote est finit par avoir ce qu'il voulait après ça. Puis là, c'était lui qui le plaquait ? Mais où allait le monde ?
<<Mais oui ! Moi aussi j'y croyais pas...!>>
Minazuki proposa finalement d'aller se poser à la taverne pour discuter de ça tranquillement. Fideus accepta, un peu penaud. Il raconta alors à son ami se qui s'était passé hier soir et durant la journée. Minazuki n'en crut pas tout à fait ses oreilles : tant d'évènements clefs dans la même journée...Coïncidence ?
<<-Ecoute...Tu sais bien de comment je parle de mes conquêtes, hein ?
commença l'Ecaflip.
-Ouais, remarques grivoises et autres trucs pas franchement agréable à entendre.
-Ben...C'est parce-que je m'en fous, en vérité, d'eux. Tout ce que je veux, c'est...Heu...un contact, quoi,
avoua-t-il un peu gêné.
-Ouais, je vois le genre,
fit-il, jouant l'ignorance totale de ce point de la personnalité de Fideus qu'il ne connaissait que trop bien.
-Là, je sais pas. Je...J'crois qu'il y a un truc de différent.
-Arrête ton char ~(Ben Hur)~, tu crois pas une seule seconde en
l'"Amour".>>
Le Pandawa appuya le ridicule du mot en ouvrant de grand yeux et faisant des gestes bizarres avec ses pattes.
<<-Mais...Il...Je...J'ai sentit un truc s'arracher de ma poitrine ! Un poids, j'te dis.
-Bon, Fid, redeviens sérieux un instant et arrête de me faire marcher. Je sais que tu adores quand on t'oppose un peu de résistance et tout, mais c'est pas parce-que ce mec t'a plaqué que c'est forcément l'amour de ta vie. Tu ferais peut-être bien d'aller te coucher et de revenir chopper quelqu'un demain soir, non ?
-J'en ai pas trop envie.
-Je sais pas ce qu'il t'a fait, mais c'est sévère. En gros, tu me racontes que tu l'as croisé il y a approximativement trois-quatre jours, que tu l'as invité à un dîner catastrophe qui se termine bien, que le lendemain, il se fait égorger, puis te fait combattre trois gardes de Bonta en même temps...Et enfin, il te plaque en te mettant une claque devant la foule de la Sainte-Eau Dorée ? Je sais pas vraiment ce que tu as fumé avec Racine à Tonkult, mais faut que tu m'en ramènes, c'est de la bonne. Où vois-tu un brin de romantisme dans cet enchaînement d'aventure ?>>
L'Ecaflip ferma les yeux.
<<-Lorsque je l'ai embrassé, y'avait un truc. Puis, on a dormi ensemble sur un banc public, quoi ! Et quand il m'a soigné, et puis quand il me sourit, et aussi quand il me regarde et...
-Et quand il te plaque, y'a de l'amour dans l'air, je paries ?>>
Fideus s'enfonça dans sa choppe de bière.
_________
Eraldiel était entré dans son Havre-Sac, puis avait invoqué Fidèle et Arthus, ses deux Lapinos. Il était allongé dans son petit lit, regardant le plafond. Il n'avait tout d'abord rien dit du tout, les serrant juste, sans qu'ils ne comprennent pourquoi, mais appréciant les câlins de leur maître, ils ne se plaignirent pas.
<<Ce type est un crétin !
fit-il à Arthus.>>
Ce dernier le regarda avec ses yeux de Lapino totalement hors conversation. Cela suffisait comme réponse à Eraldiel, et l'incitait même à en dire plus. Comme quoi, ils étaient vraiment fort ses Lapinos !
<<Il vole mon premier baiser, il me traîne n'importe où, n'importe quand. N'importe comment, surtout ! Il ne m'écoute même pas !>>
Fidèle poussa un petit cri approbateur, tentant de réconforter son jeune Maître. L'Eniripsa la serra plus fort. Un peu jaloux, Arthus poussa le même petit bruit, et reçut lui aussi double dose de câlin.
<<Je rêve d'un grand amour, et je tombe sur un séducteur à deux kamas !>>
Les Lapinos clignèrent des yeux avant de bouger leurs oreilles de gauche à droite, appréciant l’accolade.
<<Il m'invite à dîner, sans demander si je suis disponible ! Quel sans gêne ! Et puis, quel gamin aussi ! Quand il m'a aperçu à mon réveil il était si...>>
Il s'arrêta un instant, desserrant Fidèle et Arthus. Ceux-ci ne furent pas d'accord et se collèrent à lui. L'Eniripsa y vit une sollicitation de continuer son récit et reprit le câlin inconsciemment.
<<...il était...heureux...>>
Eraldiel soupira.
<<Lorsqu'il a voulu me forger une nouvelle épée...il faisait tout ça pour moi...Il avait l'air si enthousiaste...!>>
Il serra ses Lapinos plus fort, qui ne purent s'empêcher de balancer leurs oreilles de gauche à droite.
<<En fait...Il est juste un peu maladroit...Mais...aaaaah, je ne sais plus quoi penser ! Ce type est un crétin ou un amoureux sincère d'après toi, Fidèle ?>>
Fidèle le regarda avec ses grands yeux de Lapino mignon. Elle les ferma soudainement puis balança de nouveau ses oreilles de gauche à droite.
<<Et toi Arthus ?>>
Ce dernier fit la même chose.
<<Je pense aussi,
répondit Eraldiel à ses Lapinos.>>
Il voyait le 'plafond' de son Havre-Sac, et deux paires d'oreilles allant de gauche à droite. Il était fatigué. Très fatigué. Il dut s'endormir sur cette dernière vision.Page précédentePage suivanteDerniére modification le 29/04/13 é 08:03