"Qu'est-ce que tu fais chez moi Gendiki?"
Renée Walker avait matérialisé un bracelet sur son bras, et se tenait en position de défense. Devant elle, le sacrieur leva prestement les bras en l'air, en signe de soumission. Il fit un pas devant lui. Une lueur rougeâtre s'échappa du bracelet de la féca.
"Du calme Renée, tenta Gendiki. Je viens en ami.
L'interpellée ne bougea pas d'un poil.
- Je repose ma question: que viens-tu faire ici?
- Je suis venu vous aider.
- Nous n'avons pas besoin d'aide.
- Tu es sûre?"
Renée baissa sa garde. Elle grinça des dents.
"Tu as 30 secondes pour t'expliquer.
- Et bien, c'est simple, je..."
Le regard du sacrieur croisa celui d'Auriny, qui s'était avancée avec Rémiro pour voir ce qui se passait. L'eniripsa s'exclama:
- Eh! C'est l'infirmier sans pupille que nous avons rencontré à l'hôpital!
- Quoi?
La féca fit apparaitre une lame verte au bout de son bracelet, qu'elle accola au cou du sacrieur.
- Si jamais tu leur a fait quoi que ce soit... commença-t-elle.
- Stop! cria Auriny. Madame Walker, cet homme nous a aidé!
Cette dernière fronça les sourcils. Gendiki hocha vivement la tête.
- La vérité sort toujours de la bouche des enfants, on ne vous l'a jamais dite, celle-là? rajouta-t-il.
- Auriny, Rémiro! proclama d'un coup sec l'agente Walker. Pouvez-vous m'expliquer comment ce salopard, criminel endurci, rebelle, voyou, assassin de 4 honnêtes citoyens...
- TROIS honnêtes citoyens. Le quatrième me devait de l'argent...
- Coupable de vols de banques en série et de vandalisme à profusion... continua la féca, faisant fi des commentaires du sacrieur. Dites-moi comment ce genre d'homme a pu vous aider, ne serait-ce qu'avoir peut-être envie de vous aider!"
"La vérité sort toujours de la bouche des enfants, on ne vous l'a jamais dite, celle-là?"
Auriny haussa les épaules. Gendiki pointa vers elle des yeux effarés.
"Tu ne lui a pas encore montré le papier? demanda-t-il.
- Quel papier?" s'exclama Renée en se tournant vers l'eniripsa.
Celle-ci sortit de sa poche ledit papier. La féca lui arracha des mains. Son regard parcouru en trois centièmes de secondes la feuille, puis le déposa sur le sacrieur, d'un air soupçonneux.
"C'est pas ton écriture, ça!
- Non, c'est la dernière page du journal d'Isaure. Moi, j'ai juste ajouté des petites notes personnelles, pour les aider.
- Odo ne vous a pas envoyés en prison, toi et tes deux acolytes de la Rénégation?
- Odo Fumio? Ton petit ami?
- Ce n'est pas mon petit ami...
- Tu sais qu'il se fourre le nez dans des choses qui ne le regardent pas? Qu'il risque la mort à continuer son enquête?
- C'est pour ça que je me refuse à lui dire quoi que ce soit. Réponds à ma question!
- Nous nous sommes évadés, c'est tout...
- Et pourquoi "dernière" page du journal d'Isaure.
- Elle et Cyrano n'ont pas survécu à l'évasion."
Renée soupira. Cette histoire la dépassait, et elle ne savait pas trop comment réagir.
"Je ne sait pas ce qui me retient de te tuer maintenant pour en finir. Après tout, tu es peut-être dans le clan de Wayh...
- Pour deux raisons, répondit Gendiki. 1: Tu ne serais pas capable et; 2: Tu sais que je pourrais vous être utile.
- Et tu peux m'expliquer comment?
- Il vous faudra toute la puissance disponible pour vaincre les sbires du xélor. Il faudrait réunir tous les autres, chez toi par exemple, et préparer un plan d'action.
- C'est ça, c'est ça... Et les tofus ont des dents, je suppose?
- Mais...
- Je pourrais te faire arrêter pour infraction à domicile. Maintenant, tu sors."
Elle avait dit ça sans colère dans la voix. Juste fermement. Gendiki leva les yeux au ciel. Décidément, ce n'était pas très avantageux, un casier judiciaire gros comme un piano. Il salua une dernière fois les enfants, et sortit à l'extérieur. Il n'avait pas l'intention de retourner en prison!
Renée referma la porte derrière lui.
___
Les jeunes furent raccompagnés à la cuisine, où la féca les fit se rasseoir. Auriny affichait un air circonspect. Elle avait l'impression que d'avoir renvoyé cet invité surprise était une erreur.
"Pourquoi l'avoir demandé de partir? demanda-t-elle. Il a dit qu'il pouvait nous aider.
- Tu es bien trop naïve, petite. J'ai côtoyé suffisamment Gendiki pour savoir ce dont il est capable!
- Mais c'est logique ce qu'il dit!
- Ça PARAÎT logique, corrigea Renée. C'est l'un des attributs de ce sacrieur: il semble gentil jusqu'à ce qu'il se retourne contre vous et vous mène à votre perte. Son meilleur ami d'enfance était un sram, même qu'il lui a un jour sauvé la vie. C'est d'ailleurs la seule fois que Gendiki sauvera la vie de quelqu'un...
- C'est quoi un sram? demanda Simon.
- Assassin. Ce mot résume assez bien, je crois.
- Et... il y en a, en ce monde?
- Féca soit loué, un seul. Mais ne vous inquiétez pas, avec moi, vous ne risquez rien. On n'a pas revu cet individu depuis des années. Si vous faites ce que je vous dit, il n'y aura pas de problèmes."
Elle avait parlé sans grande conviction. Le silence envahit la salle. Rémiro se tourna vers son amie. Cette dernière, qui trouvait toujours un mot à rajouter, se retrouvait les lèvres scellées, dans un mélange de peur et de compréhension. Cette femme devant eux était la seule béquille sur laquelle se tenir en sécurité. Il semblait que n'importe qui d'autre pouvait être synonyme de danger. Seule Lily, dans son insouciance habituelle, osa prendre la parole.
"Il était beau le dragon? lâcha-t-elle d'une petite voix.
Renée sourit.
- Très. On a parcouru le Monde des Douze au grand complet. C'était magique...
- Venant de vous, c'est très surprenant à entendre.
- Il n'empêche que c'était du jamais vu. À mesure que le temps avançait, je pouvais lire sur le visage dudit prophète une déception qui allait en s'accentuant. À chaque ville qu'on quittait, il se décourageait et donnait toujours à ceux qu'il venait de quitter un regard empli de tristesse, comme s'il plaignait leur triste sort.
- Il croyait vraiment à cette histoire de fin du monde?
- Il... était perplexe. Nous parvinrent quand même à réunir une trentaine de personnes, qui acceptèrent de tout abandonner pour le suivre. Vos parents en faisait partit.
Les jeunes écoutaient avec grande attention.
- Je vous passerai les détails, mais, pour conclure, nous sommes arrivés dans ce monde, atterris dans un univers complètement inconnu.
- Vous aviez une mission à accomplir, ou quelque chose comme ça? questionna Simon.
- Non. Sinon survivre. Le prophète nous a dit qu'un jour, il allait nous réunir pour un voyage de retour, mais ce jour n'est jamais venu...
- Ça a du être dur pour vous, dit l'eniripsa en s'imaginant la situation.
- C'est sûr! Un monde sans magie, avec des automobiles, des technologies incompréhensibles... La majorité d'entre nous avons trouvé notre voix..."
Un bruit de crissement de pneu se fit entendre par la fenêtre. On entendit une autre voiture qui freina brusquement, puis le bruit de collisions, tout cela au loin dans la rue principale. Ce brouhaha fut vite suivi d'un chorale désarticulée de klaxons qui semblaient cracher des insultes de toute sorte.
"... et certains, comme Gendiki, n'ont pas encore réussi à s'habituer aux voitures..."
___
"Chauffard!"
Gendiki fit cadeau à celui qui l'avait heurté violemment d'une paire de beaux doigts d'honneur, puis s'éloigna de la scène de l'accident. Bilan: trois voitures brisées, deux blessés, un chauffeur en furie, une file d'autos sens dessus dessous et un sacrieur qui en ressortait en pleine forme.
Il se dirigea vers la cabine téléphonique la plus proche, en plein milieu de dizaines de personnes qui marchaient à gauche et à droite pour se rendre aux différents coins de la ville. Il décrocha le combiné et composa un numéro.
"Maître Wayh.
- Alors Gendiki? Tout s'est bien déroulé? lui répondit la voix grave du xélor.
- Je n'entre pas facilement dans le cœur de la féca, mais je continue à avoir pleine confiance à votre plan.
- Bien. Ne tarde pas."
"Je n'entre pas facilement dans le cœur de la féca, mais je continue à avoir pleine confiance à votre plan"
Le sacrieur reposa le téléphone, et, en sifflotant, disparu bien vite dans la foule.
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je veux pas croire que Gendiki est vraiment avec Wayh' !
et puis il devrait faire un peu attention, il va se faire remarquer à force de se prendre toute les voitures qu'il croise