La puissance des nouveaux-nés
"Non, Auriny, concentre-toi, tu forces trop."
Renée et Auriny étaient assises face à face en tailleur, à l'entrée de la salle holographique. L'eniripsa suait et tentait difficilement de réussir le défi que lui avait donné son enseignante improvisée. Renée tenta de l'apaiser.
"Reste clame. Respire à fond, puis réessaie. C'est un art très dur, que très peu maîtrisent, il est normal que tu ne réussisses pas du premier coup, expliqua la féca.
Auriny ferma les yeux, et respira profondément.
- Tu ne dois pas t'énerver, continua Renée. Cela te prendra sûrement quelques jours, car il faut d'abord que tu apprennes à canaliser ton wakfu, puis que tu visualise très comme il faut. La matérialisation demande beaucoup de...
- Je sens que... ah!"
Devant elle se matérialisa une espèce de fiole qui contenait un étrange liquide violet. Renée écarquilla les yeux.
"Comment t'as fait ça? Si rapidement?! s'exclama-t-elle.
- Je ne sais pas, avoua la fée. J'ai senti que j'en étais capable, et je l'ai fait.
Auriny regarda attentivement le contenant de verre dans ses mains.
- Vous savez ce que c'est? demanda-t-elle à la féca.
- Tu l'as invoqué et tu ne sais pas ce que c'est?
- J'en ai vu dans mon sous-sol.
- C'est une fiole d'eniripsa. À ce que j'en sache, c'est ton père qui en a inventé le procédé. Il contient un puissant sortilège qui se libère de la fiole dès qu'il y a une ouverture."
L'eniripsa se souvint de la tornade qui avait eu lieu dans sa maison. Cet équipement ne devait pas être pris à la légère. L'agente Walker se tourna vers la porte de sa salle. Elle tapota le clavier pour déverrouiller la porte, et entra dans la pièce.
"Rémiro! Tu...
Elle s'interrompit net.
- Oh mon dieu..."
Rémiro, après des heures de bagarre intensive contre les apparitions, continuait encore et toujours à asséner des coups. Il n'avait gardé que son pantalon, et se battait comme un déchainé. Les humanoïdes n'étaient plus verts comme au départ; ils arboraient maintenant une dangereuse lueur rouge. Les combattants bougeaient si vit qu'Auriny avait peine à voir leurs mouvements.
Renée se précipita vers la table de contrôle. La machine fumait, et elle était à bout. La féca balbutia, avec un mélange de surprise et de peur.
"Cha... chacun de mes hologrammes possède la puissance de 10 iops regroupés... dit-elle en déglutissant. La machine... La machine s'est adaptée pour suivre le progrès de Rémiro, et elle éprouve encore des difficulté! Ça fait 3 heures que Rémiro se bat sans arrêt!"
Elle couru débrancher la prise de courant. Aussitôt, les grosses lampes s'éteignirent, et les hologrammes disparurent. Le iop regarda autour de lui, confus. Auriny s'approcha.
"Rémiro? Ça va?"
Ce dernier se tourna vers la voix. Avec horreur, l'eniripsa remarqua que Rémiro n'avait encore plus de pupille, et que ses dents paraissaient encore plus pointues qu'à l'ordinaire. Le iop avait faim d'ennemis, et il y en avait une devant lui!
"Auriny! Attention!" cria Renée.
Sans crier gare, dans un grognement semblable à celui d'un animal enragé, Rémiro se précipita sauvagement sur son amie, qui n'était maintenant qu'une nouvelle cible à abattre.
Sans crier gare, Rémiro se précipita sauvagement sur son amie, qui n'était maintenant qu'une nouvelle cible à abattre
Il se frappa à un mur invisible. La féca avait invoqué un bouclier, et l'avait donné sa puissance maximale. Le iop sourit, montrant des canines pointues. Sans le moindre effort, il fracassa l'armure d'un coup de poing dont l'onde de choc étourdit les deux filles. Renée leva son bracelet. Rémiro était content: ses victimes lui offraient plus de défis que les pantins. Il avait perdu toute notion de réalité, l'important était le combat.
C'est alors qu'il vit au-dessus de lui un énorme marteau lumineux, d'un vert transparent. Il n'eut pas le temps de réagir; l'instant d'après, l'arme géante l’assomma, et il tomba dans les pommes.
___
Il arrive toujours un jour, dans la vie, où il est temps de prévoir la fin de sa vie. Bien longtemps après la retraite. Au moment où les rides se font pesantes, où on est à la merci de toutes sortes de maladies à cause d'un système immunitaire affaibli. Un temps de notre vie où notre vision se brouille, où nos sens se désagrègent, où nous avons de la difficulté à faire un pas l'un devant l'autre.
La résidence Navarro existe pour combler les besoins de ce genre de personnes. Maison de retraite, centre pour personnes âgées, ces genres d'établissement ont pratiquement toutes la même fonction: offrir une fin de vie digne à tous les vieillards de ce monde. Bien sûr, la résidence Navarro, à Montréal, ne possède qu'une petite vingtaine d'occupants, sans compter les infirmières et autres bénévoles qui travaillent pour ceux qui se font souvent appeler vieux, ou vieillards.
Dans l'une des chambres, l'un des pensionnaires se reposait tranquillement alors qu'on frappa à sa porte.
"Monsieur Dhaliwal, dit l'infirmière. Il y a des invités pour vous.
- Qui est-ce? demanda le vieil homme.
- Il s'agit d'une femme, avec quatre enfants.
- Vous pouvez les faire entrer."
Renée entra dans la chambre, accompagnée de Rémiro, Auriny, Simon et Lily, qui étaient légèrement mal-à-l’aise. À la vue de la féca, le visage du vieillard s'illumina.
"Renée Walker! Je suis content de te revoir!
- Et moi donc, Altroo! J'ai eu de la difficulté à te retrouver ici. Qu'est-ce que tu fais dans ce centre pour personnes âgées?
- C'est une longue histoire, soupira Altroo en toussotant. Disons que ça a commencé quand ma vue a baissée...
- Ça a du être difficile pour toi, jadis un très grand crâ.
- Bof, il suffit de s'habituer, rétorqua-t-il. Je vois quand même aussi bien que vous.
Le crâ se leva péniblement, et fit quelque pas en direction de ses visiteurs, penché sur une petite cane.
- Comme tu as pu le remarquer, je ne compte plus mes années depuis un bon bout. Mais toi, tu continues à bosser... Tu nous apportes de nouvelles petites têtes, à ce que je vois...
- Je ne suis pas une petite tête! s'indigna Rémiro.
- Ici, un iop, s'enquit Altroo. Là, une charmante eniripsa, une mignonne petite sadida, et un... mmh...
Il hésita devant Simon, plissant les yeux pour mieux regarder.
- Pour 10$, je vous le dit, proposa ce dernier.
- Enutrof, se contenta de dire le crâ. Et bien, c'est toute une brochette que tu nous apportes-là, Renée.
- Ce vieux veut nous manger en brochette? s'exclama Rémiro.
- Tu te la fermes, et tu écoutes! lui ordonna sèchement Auriny pour qu'il se taise.
- On a quelques questions à te poser, Altroo, commença la féca.
Le vieux crâ s'assit sur son lit.
- Je suis toute ouïe, dit-il en souriant.
- Ces enfants semblent posséder un puissance dépassant les capacités naturelles de leur propre classe, dit Renée en pointant Auriny et Rémiro. Auriny a appris en quelques heures seulement la matérialisation, et Rémiro a réussit à détruire mon bouclier.
- Tu te fais vieille, ma petite féca.
- Je ne rigole pas, Altroo! Rémiro aurait pu tous nous tuer si je ne l'avais pas assommé! Le plus étrange est qu'il ne se souvienne de rien...
- Pour un iop, ce n'est pas étrange...
- Je suis prête à mettre ma main au feu que les deux autres enfants possèdent des excédents de pouvoir similaires. Pourrais-tu nous éclairer, si tu sais quelque chose?
- Hum... réfléchit Altroo. Oui, je peux expliquer vaguement la situation. En fait, c'est grâce à l'amitié que j'avais lié avec Wayh à notre arrivée sur Terre. Ce xélor est d'un type très mystérieux et étrange, et il semblerait qu'il soit d'une grande réceptivité en ce qui concerne l'espace-temps. Dès notre arrivée dans ce nouveau monde, il a sentit que quelque chose était différent... Il a vu les changements du futur. Il a fini par émettre la conclusion que le wakfu était absent sur cette planète.
- Absent? Comment cela se peut-il? C'est dangereux?
- Je ne sais pas. Pour une raison que je ne comprend toujours pas, nous sommes, sans nous en être rendus compte, devenus plus puissants. Peut-être que cela a un lien avec les nouveaux-nés sur Terre. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il y un grand déséquilibre ici... Je ne sais rien d'autre."
Le vieux crâ s'assit sur son lit. "Je suis toute ouïe" dit-il en souriant
Voyant pertinemment que rester plus longtemps ne servirait à rien, Renée se leva, et invita les enfants à se diriger vers la sortie. Elle voyait bien que son ancien compagnon avait besoin de repos et de rester seul. Alors qu'elle allait franchir le seuil, elle se retourna.
"Ah, j'oubliais, dit-elle avant de partir. Ta fille, Èvanovich, est de retour de son voyage en Russie."
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