Renée avait cessé de bouger. Tous les regards étaient tournés vers la nouvelle venue, qui semblait bien connaitre l'eliatrop. Celui-ci ne semblait pas très content de la revoir.
"Qu'est-ce que tu fais ici, Phaéris? demanda-t-il.
- Devine.
- Baltazar m'a dit que tu gardais le dofus de Shinonomé, sur cette île de Sufokia dont je ne me souviens plus du nom. Il m'a aussi informé que tu avais refusé catégoriquement l'offre des dieux de les servir, pour cause de ta responsabilité que tu prenais très au sérieux. Alors, je repose ma question différemment: qu'est-ce qui t'as fait changer d'avis?
- Osamodas.
- Osamodas? Le dieu invocateur?
- Il m'a supplié de l'aider, expliqua Phaéris.
- Toi, un dragon si fier, s'est laissé amadouer par un dieu? Qui n'est même pas la Nôtre? Mais qu'est-ce qu'il a de si spécial, cet Osamodas, pour que tu aies accepté de l'aider?
- Je le respecte beaucoup, car ce qui le différencie des autre dieux le rapproche en même temps de la Déesse.
- Quoi?
- Il a créé des dofus."
Le tonnerre gronda. L'osamodas secoua sa tête, repoussant sa chevelure blanche de son visage. Simon et Auriny étaient déstabilisés. Cette femme était en fait un homme déguisé? Qui en plus était une créature dragonique? Le dragon leva une main, et regarda l'intérieur de sa paume.
"Je ne devais pas me faire voir, continua la créature bleue. Je suis passé à votre suite dans le zaap, sans que personne ne me remarque. Dès la sortie, je me suis enfui dans la forêt. Personne n'a vu que j'étais là, même pas toi.
- Et en plus, avec un déguisement pareil...
- C'est bien réussi, n'est-ce pas? Je suis méconnaissable. C'est Osamodas qui a inventé le style, il ne voulait pas que je garde ma forme originelle.
- Je dois avouer qu'au premier coup d’œil, je ne t'avais pas reconnu. Ce nouveau corps est plus petit, tu as des cheveux, tu n'as plus d'ailes... et tu es une femme! Il a quand même décidé de garder tes yeux et ta couleur bleue... Il y a quelque chose d'autre chez toi qui est bizarre, mais je n'arrive pas à mettre le doigt dessus...
- Hé hé hé... Ce dieu a vraiment pensé à tout: je ne parle plus en dragon!
- Ah, c'est donc ça... Et qui garde le dofus en ton absence?
- Osamodas s'est porté volontaire pour prendre ma place jusqu'à mon retour.
- Je m'en doutais un peu... Il devait être vraiment désespéré pour s’acquitter de cette tâche... Mais ça ne répond toujours pas à ma première question! Pourquoi es-tu venu sur Terre?!
- Tu es au courant qu'aucun osamodas n'a accepté de te suivre, ne croyant pas à la fin du monde? Bien sûr! Ce que tu ne sais pas, c'est que cela a beaucoup affecté leur dieu. Ce dernier ressentait le pressant désir de sauver quelque chose, peu importe s'il s'agissait de l'un de ses disciples ou quoi que ce soit d'autre. Et il existe quelque chose comptant presque autant à ses yeux que les humains, ce sont les animaux."
Chelpot grimpa sur la jambe de son maitre et se coucha sur son épaule. Le gobgob se mit à ronronner docilement.
"Ce gobgob a été créé pour entreposer tous les animaux présents sur le Monde des Douze. Un mâle et une femelle de chaque espèce, sauf quelques exceptions comprenant ceux qu'on appelle les archimonstres. Cette créature possède la capacité de garder dans son estomac les âmes des créatures qu'elle avale, pour les recracher en leur matérialisant un nouveau corps.
Son regard passa sur la roublarde.
- C'est comme cela que j'ai pu te ressusciter, Isaure. Osamodas a donné d'étranges pouvoirs, à moi et à Chelpot, dont je n'ai pas encore estimé l'ampleur. La majorité de mes pouvoirs de dragon m'ont été enlevés pour laisser place aux nouveaux, moins repérables. Je n'ai pas le droit de libérer les animaux avant le retour, et je n'avais pas le droit de me montrer. Osamodas ne veut pas que les autres dieux soient au courant de sa manœuvre.
Il regarda le ciel orageux.
- Mais je vois que la situation actuelle est loin d'être normale. Je me vois obligé d'intervenir...
- Je ne comprend pas... hésita Glip. Il t'a enlevé tes pouvoirs? Mais qu'a-t-il fait de ta partie dragon? Comment vas-tu faire pour...
Les yeux de l'eliatrop tombèrent sur le gobgob.
- Ne me dis pas que... cette créature... bafouilla-t-il.
- Oui. La moitié de moi se cache en Chelpot. Une petite bête innocente qui possède les pouvoirs d'un dragon.
- Mais tu es fou?! Comment comptes-tu retrouver ta personnalité et ta puissance?!
- Par symbiose."
Phaéris siffla. Le gobgob se mit à flotter devant son visage, puis se colla face à face avec sa peau. Des éclairs d'énergie s'échappèrent de son corps, et les deux êtres se fondirent l'un dans l'autre. Devant les yeux ébahis de Glip, d'Antoine et des enfants, la silhouette de la fausse osamodas se mit à grandir. Les muscles gonflèrent, et les cheveux disparurent. La poitrine s'aplatit, des marques apparurent sur les côtes, et les cornes se transformèrent. Des ailes poussèrent dans le dos, et la queue en pointe gagna en taille. Bientôt, le dragon avait complètement changé. Il était maintenant dans sa forme humanoïde originelle.
"Phaéris ne te laissera pas te servir de la Terre, grogna-t-il sur un ton de menace. Les dieux ne l'accepteraient pas!"
Glip laissa échapper un petit rire. Il secoua la tête, comme en pitié envers le dragon bleu.
"Mon pauvre Phaéris... Ce sont les dieux eux-même qui l'ont demandé!"
___
"Woh woh! Attendez! Temps mort! Stop! C'est quoi ces conneries?!"
Antoine se plaça entre les deux adversaires, interrompant leur dialogue en faisant des mouvements secs de ses bras. Il toisa à tour de rôle l'eliatrop et le dragon, pas du tout intimidé par leurs prestances actuelles.
"Vous avez oublié qu'on est là, nous aussi?! cria-t-il presque. Vous ne pouvez pas parler en charabia, comme ça, sans... sans nous expliquer! Je veux comprendre ce qui se passe! Pourquoi la Terre tremble? Pourquoi il y a des lignes bleues partout? La planète n'est pas supposée exploser? Je veux savoir!
Phaéris, d'un air calme, baissa sur lui ses yeux lumineux.
- Phaéris va laisser Glip s'expliquer, dit-il. Lui est le seul responsable de tout ce qui arrive.
- Hum... ça me va, hocha Glip. Après tout, ce petit terrien profite peut-être de ses derniers instants de liberté...
- Liberté? s'étonna Antoine.
Glip s'avança de quelques pas.
- Commençons par le commencement, voulez-vous? Tout a débuté lorsque les dieux sont partis voir mon frère pour quémander son aide. Cela faisait des milliers d'années qu'Emrub et les enfants eliatrops n'avaient pas reçu de visiteurs. Baltazar n'a pas accepté tout de suite. Les dieux ont alors établi un marché avec lui: s'il coopérait, ils feraient revenir les eliatrops dans le Monde des Douze après l'apocalypse, redonnant une place à notre ancienne civilisation dans le nouveau monde. Il a donc accepté, et c'est là qu'ils m'ont fait naître et vieillir, avec tous mes souvenirs d'antan.
- Qu'est-ce que ça a à voir avec la Terre?
- J'y arrive, j'y arrive. Ne sois pas impatient. Je disais donc qu'il fallait maintenant sauver quelques spécimens de chacune des classes. Pour cela, j'avais prévu de nous envoyer sur une planète quelconque dans le krosmoz.
- Mais... c'est pas vrai! l’interrompit Auriny. La planète Terre n'est pas dans le krosmoz, mais dans le cosmos, dans un autre univers. Je croyais que cette planète était inconnue de tous dans le Monde des Douze. Vous, vous la connaissiez?
- Pas moi. Andyspak."
À ce nom, un frisson parcouru l'échine de l'eniripsa. L'eliatrop continua:
"Il est arrivé en plein milieu de la nuit, dans une tempête venant de nulle part. Ce n'était pas vraiment un zobal, mais il y avait des dizaines de masques qui sont tombés du ciel avec lui. Au début, il nous a ignoré, disant qu'Il se foutait d'Ogrest et qu'il pourrait même aller le tuer à l'instant même. Mais Andyspak a paru soudainement intéressé lorsque je lui ai dit qu'on allait vers une autre planète. Il s'est alors proposé comme aide supplémentaire, à condition que nous allions sur Terre.
- Pourquoi? Comment?
Glip haussa les épaules.
- Ce n'était pas clair. Si je me souviens bien, il a dit qu'il voulait prendre sa revanche contre les terriens, ou quelque chose comme ça. Il portait un collier duquel pendait un cristal contenant une espèce de fluide énergétique blanc. Pour faire le zaap en direction de la Terre, il m'a dit de chercher à un endroit où il y avait beaucoup de cette énergie blanche. La suite a été très facile, il s'est chargé de tout à notre arrivée ici. Tu l'as déjà rencontré, je suppose...
- Phaéris a vaincu Andyspak, dit le dragon.
- Hein?
- Avec l'aide d'Isaure, Phaéris a emprisonné le zobal dans sa propre épée. Il est hors d'état de nuire... momentanément.
- Bon... Je suppose que je dois être content... après tout, il était beaucoup trop dangereux!
- En ce moment, c'est toi le plus dangereux, grommela Phaéris. Explique-leur donc ce qui est en train de se passer!
- À ton aise, répondit l'eliatrop. Pour faire ce grand voyage de là-bas jusqu'ici, les dieux ont fusionné leurs pouvoirs pour ouvrir le zaap. Mais oh! Grande nouvelle! Ce n'est pas nécessaire pour le retour! Les dieux m'ont donné à ce moment des surplus de puissances, ainsi que les instruments me permettant un retour plus facile...
Le déclic se fit dans la tête d'Antoine.
- Les bombes...
- Exactement. Modifiées par Doflix, multipliées par Andyspak et transportées dans le havre-sac de Tanthane, ces machines sont maintenant activées partout autour du monde!
- Alors c'est tout? La planète Terre va se faire téléporter dans votre monde?
- Les dieux ont demandé de, si possible, rapporter de quoi reconstruire ce qu'Ogrest aurait détruit. Je leur rapporte donc 7 milliards d'ouvriers.
Il avait dit ses mots sans aucune pitié. Pour lui, les terriens n'étaient qu'une ressource exploitable. De la vermine sans valeur.
- Les dieux ont voulu de l'assistance! cria Phaéris en colère. Pas que tu réduises en esclavage un peuple entier! Il y a sûrement d'autres solutions!
- Bof... Qui sait?"
Rapide comme l'éclair, Phaéris agrippa Antoine, et le lança vers l'arrière. Une lueur sortit de ses yeux; l'instant d'après, un pan du Mont Royal disparut, emportant l'agent, Renée et les enfants. Il ne restait plus que lui et Glip, à quelques mètres l'un de l'autre.
"Phaéris sait!"
Le grand dragon bleu bondit.
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Comment ca "tu sors!"?