A posse ad esse non valet consequentia
"Il n'est pas mort."
L'osamodas avait planté l'épée dans une pierre, et récitait des incantations dans un langage inconnu pour Isaure. Du bout de ses ongles, la femme à la peau bleue traçait des lignes lumineuses sur l'arme blanche et la roche. Pendant ce temps, Chelpot sautillait dans l'herbe, tentant gaiement d'attraper un papillon. La roublarde, encore sonnée par le combat, choisit de ne pas parler, mais, après une dizaine de minutes à regarder l'osamodas agir, elle décida que le silence n'était plus de mise.
"Pas mort? Andyspak? Mais il s'est désintégré lorsque je l'ai frappé de son épée!
- Les yeux ne sont pas assez puissants pour voir la vérité. Je l'ai scellé dans la lame. Le zobal est prisonnier, mais bien vivant. Il tente en ce moment-même de s'échapper. C'est pourquoi je fortifie le sceau.
- Pour quelle raison ne l'avez-vous pas tout simplement tué?
- Parce qu'il est immortel, répondit l'osamodas. Tu l'as vu par toi-même, il peut se régénérer même s'il a perdu des parties vitales. Il peut avoir perdu tout son sang, son cœur peut arrêter de battre, il n'en changera rien qu'il ne mourra pas.
- Ah? s'étonna Isaure. Ainsi, ce n'est pas vous qui l'avez ressuscité il y a 25 ans?
- Tu croyais cela?
- Ben..."
L'invocatrice se leva. Elle avait terminé. Elle siffla, et son gobgob monta sur sa main. La queue de la créature s'enroula sur le bras, et s'illumina en même temps que les yeux de sa maitresse. Il ouvrit la bouche; une colonne de flammes en sortit, et frappa de plein fouet le gros sac d'Andyspak, qui prit feu sur le coup.
"Vaut mieux détruire tous les masques, expliqua calmement l'osamodas.
- Excusez-moi si j'ai mal vu, mais il me semble qu'il en reste encore, non?
- Même si j'ai pris le zobal par surprise, il a tout de même réussit à sauver ses trois masques en les éparpillant dans le ciel. Ils peuvent se trouver n'importe où sur Terre, maintenant.
Isaure réfléchit.
- Pourquoi l'épée n'a pas réussi à achever Andyspak? se questionna-t-elle tout haut. Il s'est passé la même chose avec Rémiro. Pourtant, cette arme avait été très efficace contre Cyrano...
- Je n'ai pas de réponse à ta question. La seule chose que je sais, c'est que son fonctionnement est similaire à l'eliacube.
- Eliacube?
- J'ai réussi à utiliser son énergie pour l'emprisonner. Qu'il y reste un an, dix ans, ou mille ans, ça m'est égal. Seulement, lorsque ce jour viendra, quelqu'un devra trouver le moyen de vraiment le détruire...
- C'est quoi l'eliacube?
- Il n'a pas subi la pire des peines.... Cela fait très longtemps que je n'ai pas eu affaire à ce genre de situation. Très longtemps...
- Eh!
La roublarde était très frustrée de se faire ignorer de la sorte.
- Vous avez fini votre petit jeu? Vous ne pouvez plus berner personne! Je sais que vous n'êtes pas une osamodas! Les osamodas invoquent des animaux, ont la peau de couleur beige et n'ont pas de gobgob! Qui êtes-vous vraiment? Pourquoi faites-vous croire à tout le monde que vous êtes ce que vous n'êtes pas?!
- Parce qu'Osamodas en personne me l'a demandé.
Sa dernière phrase lui cloua le bec.
- Tu m'as bien servie, Isaure, continua-t-elle. Grâce à toi, je connais maintenant les plans de Glip. Je sais maintenant que, malgré la promesse que j'ai faite, je vais devoir encore agir personnellement. Je te libère de ta dette."
Isaure était ahurie. La femme mystérieuse sourit tristement, puis se tourna vers l'épée. Un petit rayon laser sortit de de son index, et elle tailla quelques mots sur la pierre qui servait de socle.
"Je laisse la clé aux pandawas."
___
Le silence le plus total régnait dans les Archives. Tous étaient bouleversés d'une façon ou d'une autre de ce qu'ils venaient de lire. Auriny tenait le carnet d,Altroo à bout de bras, ouvert à la dernière page. Ce journal remettait en question toutes les visions du monde, de sa création jusqu'à sa destruction. Les théories du crâ étaient si... incroyables, qu'elle pourraient être à elles seules le déclenchement d'une nouvelle religion.
Personne ne voulait dire quoi que ce soit. Il fallait bien assimiler toute l'information. Toino était assis un peu plus loin. Lui, il avait déjà tout lu, maintes et maintes fois. Il observait attentivement la réaction de chacun. Rémiro respirait calmement, les yeux fermés, alors qu'Auriny regardait dans le vide, droit devant elle. Lily avait les sourcils froncés, comme en colère contre quelqu'un, tandis que Simon se dandinait, mal à l'aise. Le premier qui réagit fut Antoine.
"Donne-moi le carnet" dit l'agent en tendant le bras.
L'eniripsa, sans même tourner le regard, le lui passa. Antoine regarda la couverture de cuir quelques instants, puis jeta le journal dans la corbeille à papier. Il sortit un paquet d’allumettes de sa poche, en gratta une, puis la jeta à son tour. En une dizaines de secondes, la poubelle était en flammes, détruisant pour de bon les mémoires d'Altroo.
"Pourquoi as-tu fait ça? demanda Toino.
- Je refuse que la Terre devienne victime de quelque chose qui ne la concerne pas, répondit Antoine. Combien de fois dans l'histoire de l'humanité des colons, soifs de découvertes et de richesses, ont conquis des territoires et des peuples en détruisant tout sur leur passage, tout ça pour démontrer de leur puissance? Altroo a raison: le stakfu ne doit pas être connu, sinon qui sait ce que les habitants du Monde des Douze feraient pour s'en emparer!
- Mais de toute façon, ils ne peuvent pas venir sur Terre sans l'aide des dieux...
- Oh, croyez-moi, Toino, les plus avides n'abandonneront jamais. Ils finiraient par trouver, vous pouvez en être sûr!
Lily s'approcha d'un air furieux.
- C'est la faute d'Altroo si Chloé est morte! Il a pas dit à papa et maman!
- C'est pas le crâ qui a tué ta sœur, tenta d'expliquer Simon. C'est le stakfu. Elle a utilisé trop de pouvoirs en même temps, et en est morte.
- Et pourquoi toi tu meures pas, hein?
- C'était écrit... je ne suis que demi-enutrof, je suis protégé. D'ailleurs, je ne peux plus faire aucun sort.
Le garçon se tourna vers Antoine.
- Vous avez sûrement raison. Mais ce qu'il faut se soucier, maintenant, c'est des bombes qui se cachent autour de la planète. Vous avez trouvé une solution?
- J'ai appelé le Pentagone, dans le but de discuter avec Achil Deswore, et, comme j'en doutais, le général avait disparu. C'est une véritable pagaille, là-bas comme à la GRC: les gens commencent à déserter. L'ONU se démantèle, personne ne veut porter comme fardeau la destruction du monde. Les politiciens démissionnent, l'Armée a cessé d'agir, les grandes villes se vident... C'est l'hécatombe! Il faut absolument régler le problème, il ne reste plus que quelques heures...
- À quoi bon?
C'était Auriny qui venait de parler. Tout le monde se tourna vers elle, sauf Rémiro qui gardait les yeux fermés. Elle avait une voix défaitiste, comme quelqu'un qui avait envi de se suicider.
"On est tous foutus, dit-elle encore. On va mourir de toute façon. Il n'y a plus rien à faire. D'abord Chloé, ensuite nous. On est condamnés, on va mourir, on va mourir..."
Elle abaissa la tête entre ses jambes, recroquevillée sur sa chaise. Personne ne sut quoi répondre à cela. Rémiro, sans esquisser un mouvement ni soulever les paupières, prit la parole:
"Je vais peut-être mourir. Mais avant que ça n'arrive, je me battrai. Je me battrai jusqu'à mon dernier souffle. Jamais je n'abandonnerai.
- Qu'est-ce que tu comptes faire? demanda l'eniripsa.
- Tout ça, c'est à cause de Glip. C'est lui le supérieur d'Andyspak, c'est lui qui a commandé d'installer les bombes, c'est lui la source de tout.
- Et comment penses-tu le retrouver? La dernière fois qu'on l'a vu, c'était au cimetière, là où nous nous retrouverons tous...
- Euh... je sais pas..."
Rémiro laissa tomber son entrain d'un coup. Antoine s'avança.
"Je sais où il habite, les informa l'agent.
- Quoi?
- Glip est un très grand financier, et plusieurs institutions, même gouvernementales, sont dirigées selon ses bons désirs. Dans ces institutions, on peut y compter la GRC. L'adresse de son quartier général n'est inconnu de personne. Si vous m'aviez parlé de lui plus tôt, nous aurions pu régler nos problèmes plus vite.
Il sortit un trousseau de clés de sa ceinture.
- Je vous emmène?"
Un sourire illumina le visage de Rémiro. Il y avait encore de l'espoir.
___
"Hum... Je ne comprend pas..."
Glip, au vingt-troisième étage de son quartier général, regardait le sol sous lui. Les voitures roulaient dans tous les sens, les gens couraient partout, et c'était très divertissant à regarder. La contemplation du VRAI monde, comme il l'avait souvent dit. Mais là, quelque chose clochait chez l'eliatrop. Son regard parcourra la ville.
"Je ne sens plus Dralbur. Il est mort? C'est impossible, pourtant, sa momification était parfaite. Le sort n'était pas censé finir!
- Peut-être que tu te surestimes?" dit une voix féminine derrière lui.
Glip se retourna. La silhouette d'une femme était camouflée dans l'ombre. Une aura noire tournoyait autour d'elle. Glip ne perdit pas de son air contrarié.
"Ou c'est peut-être à cause de toi, grommela-t-il.
- Sans doute. Tu ne peux pas abuser de la momification."
Des bandages gris entouraient en partie le corps de la femme. Elle s'avança vers l'eliatrop, et le fixa d'un air sévère.
"Que vas-tu faire maintenant?
- Tout se déroule selon le plan. Andyspak a fini sa tâche. Nous allons sur le Mont-Royal. Il est temps pour nous de repartir, de l'endroit même où nous sommes venus.
Glip ramassa son bâton qui trainait dans une armoire, puis se dirigea vers la porte.
- Allez, viens, dit-il à l'encontre de la femme.
- Je refuse. Tu sais que je déteste tes méthodes. Jamais je ne te suivrai."
Un rayon d'énergie sombre sortit des yeux de Glip, et la femme fut attirée par une force invisible qui l’amena à quelques centimètres du visage de l'homme. L'eliatrop attrapa son menton, et l'embrassa sur la bouche. La femme tenta de bouger, de se dégager, mais fut incapable de se décrocher de l'emprise. Après avoir bien profité du moment, Glip éloigna son visage, en souriant méchamment.
"Tu viendras avec moi, que tu le veuilles ou non. N'oublie pas que j'ai un contrôle total sur toi. Tu m'écouteras, et tu m'aimeras. De gré ou de force. Tu m'as bien compris?"
Renée hocha la tête d'un signe positif. Elle ne pouvait plus rien faire.
Page précédentePage suivanteDerniére modification le 28/09/12 é 01:58