La lune était toujours là. Toujours là pour éclairer les ruines. Pour éclairer le sang qui suintait des murs, pour éclairer les poutres carbonisées et déjà rongées, pour éclairer les cadavres figés dans un calvaire éternel, pour éclairer les restes des chérubins pris dans leur enfance par le déluge de feu, d'acier, de sang. Le déluge de mort. Le déluge du Chaos.
Ätrestegömmundg susurra un seul son, dénué de voyelles et d'humanité. Du fond de la mer moite de désolation, des cadavres refirent surface. L'être enfonça ses griffes dedans pour savourer la violence de leur mort. Il revit leurs derniers instants : un déluge de bombes. Il les revit exploser, comme au ralenti, sans brûler, jusque pour faire éclater les victimes comme un melon trop mûr. Il revit l'onde arracher la peau, puis défaire les os de leurs muscles, tout en violence. Il revit les tendons se tordre puis rompre. Le goût du calvaire et de la peur sur leur langue.
Ätrestegömmundg s'arracha à regret de ce délice macabre. Il transperça les corps en marchant dessus un à un pour arriver au bout de ce qui fut la place Vent d'Orme. Le vent n'apportait désormais que l'odeur du sang, du feu et de la putréfaction. Il parvint au beau milieu de l'océan. D'un geste de sa main griffée, il matérialisa un socle en onyx sous ses pieds. Il y grava un symbole. Un symbole que plus personne ne savait lire. La marque de la Première Force.
Il s'assit en tailleur et se mit à marmonner des formules inhumaines. Les sons griffaient l'air. La Mort n'est rien face au Néant. La liturgie à même de rendre fou n'importe quel être pensant finit par en avoir raison. Un corps remonta à la surface. Le corps se remit debout. Il était couvert de vase, mais on pouvait deviner qu'il avait été un énutrof. Un reste d'armure steamer couvrait l'un de ses bras.
La tête de celui qui avait massacré un Kanojedo brâkmarien se balançait au rythme d’affreuses notes. En transe, il porta la main à sa ceinture. Chacune de ses mains attrapa un revolver, qu'il tendit au mort. Le dernier son inhumain résonna au moment où les armes touchèrent le corps. Un bulle noire se forma au point de contact. Ce noir là absorbait toute la lumière. La bulle enfla puis implosa. Le cadavre, qui à l'instant d'avant était encore mort, ouvrit les yeux et recracha une boue où se mêlait chairs et cendres.
«Je ne suis pas satisfait Wasawa. Tu n'as pas délivré ton message.»
L'énutrof baissa la tête. Face à son employeur, son arc ou son armure n'aurait aucun effet.
«Tu as attaqué Iclafipartare au lieu de lui donner mes ordres. Ce qui ne change rien puisque mes ordres étaient de te tuer»
L'amateur de Lezolis ouvrit de grands yeux. Non pas pour la traîtrise de l'être, mais parce qu'il avait une chance de ne pas finir entre ses griffes.
«Inutile de croire que tu m'échappera. S'il n'en tenait qu'à moi, tu serais toujours au fond. Ton âme en moins. Je t'ai déjà raconté ce que je fais des âmes damnées comme la tienne?»
Ätrestegömmundg passa sa langue râpeuse sur le visage du tueur à gages.
«Mais après le sanglant succès d'Iclafipartare, le Maître a jugé bon de te reprendre. Oui, le pyromane est mort. Mort au sommet. Mort avant la délivrance. Drôle, non? Mais toi... Nous n'en avons pas fini avec toi. Fatale sera bientôt démise de son sombre tombeau.»
Wasawa transpira. Il sentait venir sa mission, dont il ignorait la nature :
«Si seulement cela ne tenait qu'à moi... Je ne jouerai donc pas avec ton âme. Si tu remplis bien ta mission, il se peut même que je doive te laisser en paix. La paix absolue. Celle que Lui seul peut te procurer. Petit veinard...»
La créature aux mains griffées attrapa les armes par leurs canons et les tendit au tueur à gage :
«Pour t'aider dans ta mission. C'était les armes du roublard, mais il ne s'en est jamais servi.»
L'énutrof prit la paire de pistolets et l'examina :
«Parfaites. Ces armes sont la Mort même.
-Non. C'est un fragment de Néant.
-Leur nom?
-Je savais que tu poserais cette question. Gudrhïnn.
-Qui dois-je tuer?»
Car il ne pouvait désormais s'agir que d'un contrat. Finalement, être de nouveau vivant n'était pas si mauvais. Pas du tout même.
«Un jeune sans talents de classes particuliers. Sans doute athée. Ne le sous-estime pas. S'il survit, il sera un obstacle de poids pour Fatale. D'après ce que j'en sais, il était ce matin à Bonta, à la Sainte Eau Dorée. Il se nomme Daniel.»
Une fois Wasawa parti vers Bonta, Ätrestegömmundg se tourna vers le Nord. Ce matin, il avait senti une vibration anormale sur la Trame. Tenue et camouflée, mais tout de même présente. Quelqu'un avait exploré la Trame. Il ne devait rester en ce monde que trois êtres capables de s'y rendre. Et encore. Ils étaient arrivés trop récemment pour tous avoir trouvé un lieu assez traversé par des Lignes de Temps. Un point de passage vers la Trame.
Avant le Déluge, un homme était tombé du ciel. Il ne voulait dire d'où il venait. Il maintenait juste qu'il avait réussi, qu'il y avait "autre chose que le vide promis par Balthazar". On le prit pour un fou. Pas Ätrestegömmundg. Il fit en sorte qu'il soit prit sous l'aile du Comte. Il se révéla très vite adroit avec la glace. Loups, griffes, sa magie libre la transformait en armes. Mais un jour, il disparut. En fouillant l'île des Glaces, le démon finit par tomber sur des pierres gravées. Gravées avec un alphabet qu'il croyait rayé de la surface du monde. Il comprit que l'étranger capable de manier le Wakfu et la glace avait finit par réussir à retourner d'où il venait. Alors qu'il pensait avoir trouvé un Porteur pour Fatale, celui-ci était parti. Parti là où il ne pouvait le suivre. Parti dans un lieu inconnu. Il en avait hurlé de rage, réveillant le vieux volcan.
Puis, un jour, après Ogrest, alors qu'il cherchait une cache dans un désert insulaire, il avait ressentit une magie. La magie de quelqu'un, comme bien des année plus tôt, qui pouvait voir et utiliser le Wakfu. Il ne l'avait jamais localisé précisément mais avait trouvé des échos faibles de ce don ailleurs. Don dont il connaissait l'origine, pour avoir participé à son extermination des millénaires plus tôt.
Il y avait trois éliatropes sur le Monde des Douze. Et l'un d'eux était sa proie.
Page précédenteDerniére modification le 13/08/13 é 09:29
Liste des principales mises é jour :
20/07/13 - Fin de ce premier Carnet!
Mais je suis d'accord, c'est toujours pas la bonne solution.
Je vous notifie pour cet Edit : j'ai fini de copier/coller la relecture. Je n'ai pas modifié d'éléments majeurs, pour me concentrer sur la suite plutôt que sur mon ancien style, je n'en ai rajouté qu'un seul, qui trainait dans ma tête depuis plusieurs mois :
L'histoire commence en octolliard. Un Octobre assez particulier puisqu'il a des températures de plein été, et qu’il laisse présager un hiver rigoureux.
Je me suis aperçu après coup que j'ai sans doute été inspiré par le Trône de Fer, les saisons n'était cependant pas à la même échelle ;).