Le soleil se levait doucement sur l'horizon maritime. Devant le sable blanc et fin, l'eau prenait des teintes dorées. Les chants de quelques oiseaux parfumaient le paysage sonore de leurs touches musicales. L'eau de l'océan venait de temps en temps caresser l'étendue de sable avec ses légers clapotis relaxants. Cette petite crique de Macheville, privée et inconnu du grand public, était un endroit paradisiaque. Au fond, tout près de la falaise, se trouvait une petite villa sur pilotis.
Sur la plage étaient étendue côte à côte deux personnes. Une éniripsa si belle qu'elle devait avoir une ascendance divine en robe d'un blanc plus pur que le cœur du plus innocent des êtres vivants riait, la joie au bout des lèvres :
«Comment ai-je pu m'endormir en chemin?
-Ne vous inquiétez pas, il ne vous est rien arrivé. Pas plus lorsque vous dormiez dans le lit. J'ai veillé toute la nuit à votre chevet.
-Comme si quelque chose pourrait m'arriver près de vous, glissa affectueusement Miss Étincelle en déposant un léger baiser sur la joue Rhigalt. »
Le xélor en armure, allongé juste à côté de la belle, tourna la tête et la contempla. Les rayons de l'aube donnaient à son visage parfait un charme supplémentaire, si toutefois c'était possible.
«Vous êtes superbe, la complimenta-t-il, la voix empreinte d'une émotion d'une force incroyable.»
L'éniripsa ne répondit pas tout de suite, elle le regarda dans les yeux avant un petit sourire de remerciement avant de détourner son regard, commençant à rougir un peu.
«Merci, répondit-elle avant de plonger son regard dans l'infinité du ciel.»
Rhigalt respecta ce silence. Plus il l'admirait, plus il ne pouvait en détacher son regard. Il devait être fou. Fou d'elle. Elle était à la fois si belle, intelligente, innocente, merveilleuse, douce, prévenante. Tous les adjectifs du monde ne pouvaient pas suffire à décrire ce qu'il ressentait pour elle.
«Cette nuit... Vous m'avez sauvée. Pourquoi?
-Je... Je n'en savais rien. J'étais déchiré entre ma loyauté envers Colette et vous... Et puis... Je vous ai vue... Vous offrant à moi... Et...»
Une larme, la première depuis une éternité, coula à travers le masque du xélor.
«Je crois que j'ai tout compris à l'instant même où mes mains ont trahi ce que, trompé par Colette, je pensais être le bon choix. Vous étiez là, si frêle, fragile, belle et innocente comme une fleur de printemps et... Et j'ai failli...»
La voix de Rhigalt se brisa. Il tomba en larmes. La superbe éniripsa se rapprocha encore plus de lui et passa un bras autour de lui, pour le serrer - ou se serrer contre lui. Elle continua, tout bas, avec tous les remerciements du monde dans la douceur des mots :
«Mais vous ne l'avez pas fait! Vous m'avez sauvé! Je vous dois la vie! Peut importe pourquoi vous avez sauvé ma vie au péril de la vôtre, l'important est que vous l'ayez fait! Sans vous je mourrais!»
Il admira ces yeux remplit des gratitude mais continua à verser quelques larmes. Elle le serra encore plus fort. Il sentait le parfum enivrant de ses cheveux, la chaleur de sa peau. Tout doucement, elle glissa un doigt sous son menton et le redressa face à elle :
«Tout le monde fait des erreurs. Vous n'avez pas à vous en vouloir pour avoir écouté cette crâ l'espace d'un instant. Personne n'est parfait.»
Tout bas, comme pour lui faire une confidence inavouée, Rhigalt répliqua :
«Si, vous l'êtes.»
Sans lui laisser le temps de répondre, et sans doute un peu honteux de son audace, le xélor se releva et enchaîna :
«Excusez-moi, je n'aurais pas dû...
-Chut, fit-elle en posant un doigt sur ses lèvres. Ne dites pas de bêtises. Les excuses sont faites pour s'excuser, pas pour avoir honte.»
Main dans la main, comme des adolescents, ils se mirent à marcher le long de la plage. Un très léger vent faisait voleter les longs cheveux miels, dénudés de leur chignon, de Miss Étincelle.
«Cette crique est magnifique. Si j'avais su qu'un tel endroit, entre sable et mer, libre de tous touristes, existait...
-C'est sans doute l'un des plus beaux lieux de Macheville. J'ai fait construire la villa au cas où je prendrais des vacances. Tout ici est à vous si vous le souhaitez.
-De tout ce qui est ici, je ne souhaite qu'une chose, susurra la belle en passant ses bras autour du cou de Rhigalt.»
Ce dernier sentit son pouls s'emballer. Ses émotions se brouillèrent, un beau nuage de brume enveloppa sa conscience de militaire. Il lui sembla que le temps s'allongeait, devenait long, extrêmement long. Le visage de la belle montait doucement vers le sien...
«Et cette chose, c'est vous.»
Rhigalt écarquilla ses yeux un infime instant en sentant les douces lèvres de l'éniripsa sur les siennes. Un très bref instant. Le temps s'arrêtait sans aucune magie.
Il se laissa aller à cet étreinte passionnée.
Loin de cet instant éternel de bonheur pur, dans les premières lumières de l'aube, dans l'obscurité embrasée des ruines fumantes, une silhouette observait les décombres. Elle devait faire dans les deux mètres, la peau cuivrée mais tatouée de lignes qui semblaient annihiler la lumière. Une armure antique couvrait son corps. Ses doigts finis par quatre griffes saisirent à la gorge un Garde amaknéen agonisant. La bête sourit. Il broya net les derniers râles du secouriste. La gorge du mort n'était plus qu'une mixture informe où se mêlait purée d'os, chair et sang.
«Iclafipartare a fait du bon travail... du très bon travail... dommage qu'il ne soit plus de ce monde, il avait fini sa tâche.»
Ätrestegömmundg se remit à arpenter les décombres. Son créateur n'aurait pas pu trouver de meilleur roublard pour cette tâche. Il avait même poussé le vice jusqu'à piéger les ruines... Un excellent pyromane... Il admira l'œuvre de destruction : partout, les ruines fumaient. L'air était âcre et rance. Un épais nuage de matières toxiques, de cendres et de mort irritait les yeux et le nez. Le sol était encombré de blocs brisés dont les éclats transperçaient les chairs, de métal carbonisé, des restes encore fumants et de corps. Le visage en décomposition des soldats brûlés vifs n'exprimait que terreur et souffrance. Ici et là, quelques filins piégés pouvaient à tout moment réveiller le chaos. La bête releva son regard vers l'horizon : quelques nuages annonçaient une petite pluie qui allait refroidir les ruines.
Il ne réfléchit presque pas. Le coup fatal venait d'être porté, une simple tempête pourrait balayer les rares zones jusque là épargnées. Il tendit son bras. Son katana s'y matérialisa. Une litanie gutturale s'échappa de sa gorge pour emplir l'air pesant. Les notes n'en étaient pas. Rien qu'une promesse de mort. L'horizon noircit. Les nuages se chargèrent. Une poignée d'éclair apparut. D'une geste violent et bestial, Ätrestegömmundg lacera la roche avec son arme noire. Des signes s'enroulaient autour de son corps. Il l'enfonça violemment dans le sol. Les nuages redoublèrent de taille, l'océan s'énerva, la terre trembla, toute la violence du Monde des Douze fut libérée. Des ouragans se formaient tandis que les premiers tsunamis frappèrent les plateaux de la Futaie. La violence se fit démesurée. Les vagues atteignirent des cinquantaine de mètres, la tête broyait dans ses dents de roche toute vie, tornades et ouragans anéantissaient tout espoir, la foudre frappait partout, des incendies naissaient de rien.
Se détournant du spectacle qu'il venait de provoquer, le démon marcha, à travers mort, désolation et chaos, vers le Sud. Soudain, un frémissement le saisit jusqu'au fond de son ignoble être. Il hurla. Le cri d'un prédateur débutant sa traque.
Quelques minutes avant le trouble de l'entité surpuissante, à des milliers de kilomètres de celle-ci, le neveu de Wayter se dit que le pandawa ne devait pas venir ici souvent. L'heure de marche annoncée avait duré tout le reste de la journée. Le soleil apparaissait derrière la ligne de l'horizon. Les premières lumières illuminaient les cristaux de glace. Au milieu du lac, un vieux puits de mine avait survécu au Chaos grâce au froid ambiant. Une douce lumière couleur glace s'en échappait. Gorgan s'avança au bord du gouffre et regretta l'absence d'échelle. Il invoqua un énorme dé qu'il fit tomber. Quatre secondes s'écoulèrent. Un peu trop pour pouvoir sauter. Il trouva une corde dans le matériel de survie de son sac et s'encorda. Il descendit lentement dans le puits de mine. La lumière provenait d'une galerie qui partait du fond. En touchant le sol, l'écaflip sentit que l'atmosphère était différente ici. Plus lourde et chargée en puissance, plus dense. Comme si un surplus d'énergie s'était accumulé dans l'air.
Il entra dans la galerie et marcha d'un air sûr. La puissance accumulée dans l'air confirmait qu'une chose se cachait dans ces vieux dédales. Il discernait au bout du couloir la luminosité étrange et bleutée. En y arrivant, il découvrit un escalier de glace qui menait à...
«Une clairière, souffla Gorgan. Une clairière digne des jardins de Sadida.»
Un lieu de nature intouché était contenu dans une grottes de cristaux de glaces. Le halo bleuté et l'énergie ambiante venaient de là.
«Que viens-tu faire ici? Ce lieu t'est interdit. Aucun profanateur ne rentrera ici.»
Une femme attendait en haut des escaliers. Le neveu du Gouverneur de Brâkmar ne sut pas lui mettre d'âge et encore moins de classe. Elle était aussi grande que ses yeux étaient pâles, ses cheveux longs bleu foncé tombait de parte et d'autre de ses épaules. Elle portait une grande tunique blanche bordée de rouge et un grand chapeau aux mêmes couleurs sur sa tête.
«Vous êtes la devineresse?
-Comment te nommes-tu? Qui t'a donc envoyé?
-Je m'appelle Gorgan et c'est mon oncle, Wayter, qui m'a envoyé ici.
-Ne t'a-t-il pas donné d'autres informations?
-Il m'a demandé de vous donner ce parchemin.»
La femme lut le papier.
«D'accord. Ce cher Gouverneur encore a besoin de moi. Je ne peux envoyer sur la Trame que toi.
Accompagne-moi dans la clairière là-bas. Ton esprit le futur invisible verra.
-Mon corps restera donc désincarné.»
La prophétesse opina et s'écarta pour le guider vers la clairière où elle le fit s'allonger. Des fleures multiples et colorées formaient un cercle parfait; Gorgan se trouvait au milieu de celui-ci.
«Il y a des effets secondaires j'imagine, redouta le brâkmarien.
-À force d'être en transe dans cette clairière, malgré moi, je me suis mise à parler en vers. Mais pour une seule et unique prévision, l'incantation ne frappera pas ta raison.
-Très bien. Ça commence quand, questionna l'écaflip.»
Elle braqua un regard lourd de sens sur lui.
«Ta vision va débuter dans quelques instants. Écoute, regarde, étudie et apprend.»
La mystérieuse femme prononça une série de son cristallins aux consonances draconiques.
A ces mots, sur le sol surgirent des symboles. Un pentacle apparut, l'horizon disparut, les pensées, les vérités, tout fut mis à nu, par les incantations de la femme aux ailes. Et dans un tourbillon aux fragrances immondes. Une autre dimension s'invita en ce monde. Ce n'était plus la caverne aux cristaux gelés, mais un lieu où flottaient de prophétiques idées. L'écaflip attentif sut décerner un son, qu'il transcrivît sur un parchemin en boufton :
Viendra le jour où les Douze récolteront
Les fruits de sa gangrène et ceux des saisons.
Alors que votre Démon sera libéré,
Alors que s'affronteront les Quatre nations,
Alors que la haine atteindra son apogée,
Alors même que débutera l'Armageddon,
Malgré les tentatives d'un dieu à la déroute,
Malgré l'ancienne scission du Monde des Douze,
Les Énergies s'opposeront coûte que coûte,
Provoquant des ratures dans notre Krosmoz.
Une fracture de la Trame aura lieu
Sur un abysse d'une grande incandescence;
La faute à des arcanes d'un peuple trop vieux,
À des expériences sur de la vie l'essence
Si vous tentez d'échapper à cet avenir,
Vous ne pourrez par contre échapper à Son ire;
Si vous fuyez et oubliez la prophétie,
Elle vous condamnera à jamais la jolie.
Quant à toi pauvre neveu que l'on manipule,
Ta vie se finit par une peur sans émules.
L'écaflip cassa en deux sa plume d'argent quand il comprit les mots prononcés peu avant. La clairière revint aux yeux du neveu qui ne pût cacher l'effroi gelant ses deux yeux.
La femme inconnue qui contrôlait la puissance de l'endroit avait stoppé sa magie et s'adressait à lui :
«Je ne peux pas continuer à Son insu. Va dire à ton oncle ce que tu y as vu.»
Gorgan sortit presque en courant pour fuir cet endroit. Sa mission était de rapporter ces informations à son oncle. L'oncle dont il était le neveu. Cette coïncidence ne le rassurait pas. Mais son oncle n'avait toujours voulu que son bien... Il regarda la voute céleste, si lointaine depuis le fond du puits. Sa couleur le frappa : le soleil, à son zénith, annonçait sans contextes qu'il était resté plusieurs heures en bas; heures qu'il n'avait pas vu passer. Un tintement aigu en provenance de sa bourse lui remémora la présence d'une certaine fiole et du dilemme qui l'accompagnait. Il hésita puis décida :
«Après tout, je suis un disciple d'écaflip. Quitte ou double!»
La potion de rappel qu'il bu était censé le ramenait directement au près de Wayter, mais ce n'est pas celui-ci qu'il trouva à son arrivée. Une lame se posa sur son cœur. Reconnaissant son agresseur, il se recula pour tenter une riposte. Un choc à l'arrière de son crâne le mit hors-jeu.
On n'échappe pas si aisément à une prophétie.
Dew avait tant bien que mal, d'ailleurs avec plus de mal qu'autre chose, échappé à la vilaine madame qui le poursuivait et qui avait tapé ses copains. En fait, son nouveau copain devait taper la vilaine madame en ce moment. En se cognant sans cesse aux murs (que, pour sa défense, il ne pouvait voir dans l'obscurité), il finit évidemment par chuter à terre. Ce n'est qu'alors qu'il remarqua la bébête qui le suivait.
«Dah, y a une drôle de bébête ici! Dah?»
Bien évidemment, ce qui était loin d'être compréhensible pour lui, Dahlia Physia Sharm n'était pas là. Le bébé Slek monta sur son ventre :
«Oh ça chatouille. Toi gentil! Toi t'appeler?»
Le bébé Slek poussa un cri dans sa langue.
«Moi c'est Dew.»
Le iop se releva, en se rencognant au mur, puis déambula au hasard, comme lui seul savait le faire. L'animal se mit à tenter de guider son maître. Inutile. Son maître ne pouvait suivre un groupe d'aventuriers en pleine lumière, alors de là à suivre un petit animal en plein noir...
«Toi, tu m'as tout l'air perdu»
La galerie s'illumina soudain. Un homme se tenait sur un rocher, une roche bleu et lumineuse à la main.
«Toi copain?
-Les Sleks sont dangereux tu sais? Ce petit bébé s'est attaché à toi mais les autres... Ils pourraient te manger.
-Choucroute?
-Ça m'apprendra à vouloir parler à un iop...
-Moi gentil!
-Très gentil.
-Toi aider moi?
-Perdu n'est-ce pas? Oui, je peux t'aider à sortir.
-Et à tuer méchants murs?
-Mais à deux conditions, continua l'inconnu. Premièrement, le bébé Slek vient avec toi.
-Slurck gentil!
-Si c'est le nom que tu lui as donné. Tu veilleras sur lui comme à la prunelle de tes yeux.
-Y a des prunes dans les yeux?
-...»
Le bébé Slek choisit ce moment pour se rapprocher de l'homme. Ce dernier plaça deux doigts sur son front et murmura:
«Tu en auras besoin pour survivre loin des sous-sols et de la Stasisilli. Et ces forces t'aideront à entrer en contact avec lui. Ne les gaspille pas.»
Les doigts se mirent à briller d'une lueur bleue. Cette force raviva l'étincelle étouffée dans l'esprit de Slurck.
«Cette force grandira au fur et à mesure que tu te rapprochera de lui. Bonne chance, je compte sur toi!»
Il releva les yeux vers le iop :
«Deuxième condition : après être sorti, tu te rends à la Foire du Trool. Voici suffisamment de Kamas pour une semaine de voyage jusqu'à une Mongole Fière ou un port.
-D'accord.
-Répète les deux conditions.
-Sortir avec Slurck et aller à la Foire du Trool.
-Décidément, tu t'améliores en expression. C'est ça! Suis le chemin bleu et tu seras dehors dans trois heures.
-D'accord.»
Un filin bleu se dessina sur le sol. Il émettait une douce lumière qui semblait hypnotiser l'ami de Moiq.
«Oh le joli bleu! Merci monsieur! Monsieur?»
L'homme n'était plus sur le rocher. Ni nul part ailleurs. Dew suivit le filin lumineux.
Il n'y avait jamais eu d'homme.
Deyjin ressortit du laboratoire clandestin, le plan de la machine des scientifiques en mains, un bracelet féca amélioré au bras et une armure fine comme la soie sur lui. Comme promis, il donna les plans à Mortica :
«Merci. Tu n'as rien pris de plus?
-Rien qui ne soit pour toi.
-Donne- moi ça!
-Non. Laisse-moi partir.»
Mortica disparut. Deyjin éclata de rire. Il posa une glyphe et l'enclencha. Mortica réapparut, le corps en feu. Un bras squelettique jaillit du sol et la frappa avec une violence inouïe. La sram tenta de s'enfuir. Le bras attrapa sa jambe. Deyjin fit un geste sur son bracelet : le corps de Mortica se couvrir d'éclairs noirs. Son agonie fut aussi brève que violente. Après un ultime soubresaut, il ne resta d'elle qu'un corps carbonisé. Le féca dont le rire résonnait encore dans la pièce donna un coup de pied dans le cadavre.
«Quel dommage... Je t'aurais tué de toutes façon, mais tu aurais pu essayer de ne pas faire brûler ces plans.»
Il prit le chemin de la sortie. À peine la grande porte antique franchie, son corps se mit à le brûler. Son bracelet commençait à fondre. Effaré, il recula. L'étrange phénomène s'interrompit aussitôt.
«Les malins...»
Il posa son bracelet et son armure. Le frère de Saurek les posa dans un vieux sac et le lança dehors. Aucune réaction. Apparemment, il pouvait les transporter mais pas les utiliser. Il ramassa le sac et reprit le chemin. Une fois sorti des égouts, il étudia le contenu du sac : toujours rien. Dès qu'il toucha le bracelet, ce dernier se remit à fondre. La température était insoutenable, comme de la lave en fusion. Une fois son doigts retiré, le bracelet s'arrêta et retrouva sa forme originelle, une fois de plus. Le féca pensa :
«Il me faut un inhibiteur magique. De la Nekro devrait être un bon début.»
Lorsqu'il atteint les Trois Pistes, le soleil se levait. Il dégaina sa Hache de Grou et découpa la serrure. Inutile d'avoir une clé quand on a une telle arme.
Les caves étaient étrangement vides. La pierre grise se couvrait par endroit de mousse, éclairée par les braises au sol. Des braises d'énutrof. Un pauvre aventurier avait dû se prendre une raclée. Anormalement, ni le corps, ni l'équipement n'étaient visibles. Il n'y avait pas plus de tonneau. De plus en plus bizarre.
Cependant, Deyjin n'était pas du genre à se méfier. En fait, son arrogance n'avait d'égal que sa confiance en lui et son plaisir du combat. Certains avaient prétendus qu'il n'aimait pas combattre, mais blesser. Il les avait vite fait taire. Il enjamba le petit ruisseau qui coulait au sol pour atteindre la salle principale. Le fameux tonneau était là, mais toujours aucun gostof. Il arracha le couvercle et y jeta ses objets volés. L'eau se mit à frétiller. Des bulles apparurent à la surface. Elles se multipliaient, et remontaient de plus en plus vite. Une mousse épaisse se forma. Le féca se pencha au-dessus pour voir ce qui se passait. Le tonneau explosa. Deyjin, comme les restes du tonneau et son contenu furent violemment projetés sur les murs. La bière se rassembla sous le voleur et commença à lui monter dessus. En tentant de bouger, il remarqua qu'elle se solidifiait très vite sur son corps et bloquait ses mouvements. Avec sa tête, le reste du corps étant immobilisa, il enfonça un bouton de son bracelet. Une solide Armure de la Paix se forma sur lui, chassant le liquide mortel.
«Satanée magie, pesta-t-il en criant.»
Les deux créations volées luisaient d'un air malveillant. Avec un cri de rage, le frère de Saurek les emballa. Il allait ressortir, furieux de son échec, lorsqu'une voix l'interpella. Elle était tenue mais semblait haranguer des foules absentes. En se rapprochant de sa source, il tomba nez à nez avec une porte cachée dans l'ombre. D'après l'inscription, elle menait à la Réserve. Un petit coup de Grou et elle s'ouvrit en grinçant. Debout sur un tonneau, un sadida clamait :
«Gostofs! Notre heure approche! Les vivants nous prennent pour des fous! Les aventuriers nous prennent pour un entraînement! Le monde se moque de nous. Les Dieux eux-mêmes nous ont oubliés! L'heure approche. L'heure approche où nous reviendra à la surface! L'heure approche où la lumière ne dissoudra pas nos troupes vengeresses! L'heure appr...»
Ils remarquèrent alors le féca. Lorsqu'ils se retournèrent pour le mettre en pièce, celui-ci remarqua que leur peau d'ectoplasme avait prit une teinte beaucoup plus foncé. Croyant les défaire, il réutilisa sa Glyphe favorite. Les Gostofs n'en eurent cure. Ils étaient déjà sur lui, sans que la Glyphe ne leur ai fait le moindre mal. Le bras squelettique qui jaillit du sol ne suffit pas à les tuer. Deyjin donna plusieurs coups de son arme et invoqua d'autre Fécalistodès, en vain. Un seul tomba à terre. Il jeta un mécanisme féca vers la sortie et s'y téléporta, juste à temps. Sous la lumière du soleil, ses adversaires firent quelques mètres, bien plus que ce qu'ils pouvaient faire en temps normal, avant de battre retraite.
Pour la première fois, Deyjin souffla de soulagement pour avoir échappé à un adversaire. Sa honte le reprit, menée par son ambition et son orgueil. Le Chef des Gardes ou le Général des Soldats le remercieraient beaucoup pour cette information.
Il sauta sur une dragodinde proche pour aller à la salle du Gouvernement brâkmarien. Son ambition se régalait d'avance de la voie qui s'ouvrait à lui, bien qu'il fût loin s'imaginait qu'elle serait si faste.
«Tu ne me croiras jamais.
-Allez! Je te garantis que tu ne pourras jamais être plus excentrique que Lel!»
Un serveur s'immisça à la table où bavardaient Victoire et Daniel.
«Vous avez bien dormi?
-Ça allait plutôt bien pour une chambre prise sans réserver, répondit le jeune aux yeux verts. Par contre, les draps sentaient une drôle d'odeur.
-Je transmettrai à la réception. Vous voulez déjeuner ici?
-Oui, si possible, répliqua la pandawa.
-Vous prendrez quoi?
-Le menu de Chauchane, commanda Daniel après avoir regardé la carte.
-La même chose je pense.
-Très bien. Autre chose?
-Non merci.
-Parfait alors!»
Le serveur partit, non sans un regard pour le Garde qui venait d'entrer. On n'aime rarement avoir ce genre de clients.
«Tu ne t'en sortira pas avec un serveur! Raconte!
-Un rêve fou, laisse tomber!»
La jeune s'avança pour insister :
«Allez... Tu ne cacherais pas un simple rêve... S'il te plaît!
-Je ne suis même pas sûr d'avoir bien vécu ça!
-C'était si passionnant que ça?»
Ils s'aperçurent simultanément que leurs visage se frôlaient. Les deux rougirent fortement simultanément et reculèrent en un instant. Leur rougeur augmenta lorsqu'ils notèrent que l'autre avait eut la même réaction. Aucun des deux n'osa regarder l'autre durant quelques longues secondes, que le serveur revint briser :
«Deux Chauchane que voilà!
-Merci monsieur!
-De rien!»
Un nœud se forma dans le ventre du Porteur. Il étudia les lieux : des clients entraient régulièrement. Le Garde qui s'était assis fut rejoint par deux autres, qui commencèrent des messes basses. Plusieurs clients restaient dans l'ombre. Un passant se pensant caché dans la foule fixait Daniel. Des éclats de métal brillèrent au lueur de la bougie qu'il décrocha pour mettre à sa table. La plupart des personnes attablées près d'eux étaient armées, et pas qu'un peu.
«Daniel?
-Attends. Quelque chose cloche.»
Il se concentra, se remémora ce qu'il avait fait dans son rêve et ouvrit grand les yeux. Les personnes cachées lui apparaissaient plus clairement qu'en plein jour. Elles le fixaient toutes malgré leur apparente inattention. Les Gardes encochaient leurs flèches ou dégainaient leurs lames. Les clients proches glissaient une main dans leur botte pour aller chercher des poignards. Des passants se rassemblaient devant la porte et allaient bientôt la bloquer. Les hommes dans l'ombre, mercenaires de toutes évidences, mettaient leurs mains au fourreau... Un Garde osamodas en uniforme entra et, en fixant Daniel du regard, leva sa main gauche ou brillait une chevalière montée d'onyx...
«Sortons, murmura le Porteur.
-Cette bague... On dirait...
-Vite!»
Le serveur, invisible à la tension ambiante, s'intercala :
«Vous n'avez pas faim finalement?»
L'ami de Vicky le fixa de ses yeux soudain si bleu :
«Laissez-nous passer. Et allez prévenir le reste de la Sainte Eau que votre établissement est victime d'une violente rixe.»
L'employé voulut répliquer. Un regard le renvoya à sa mission. Pourquoi ne le ferait-il pas après tout? L'osamodas répliqua d'une voix profonde :
«Ne sortez pas. Restez ici et taisez-vous!
-Sortez, ordonna le Porteur en mettant sa main sur son épaule. Sortez et avertissez tous les combattants de la Sainte Eau qu'une vingtaine de bandits s'attaquent à deux jeunes ici. Maintenant!»
Sans qu'il le veuille, Ösrigur se matérialisa dans sa main.
Le Garde à la chevalière d'un noir profond claqua des doigts. Le serveur s'évanouit.
«Vous voulez déjà nous quitter?
-Laissez-nous passer, requit la pandawa qui saisissait la situation.
-Vous pouvez sortir si vous voulez mademoiselle Aldo. Mais votre ami devra nous accompagner pour vérifier son identité. Les brâkmariens ne sont pas les bienvenus, et encore plus lorsqu'ils sont si bien armés.»
L'osamodas désigna le sceptre Inespéré.
«Et pourquoi mobiliser la Garde et des mercenaires pour un simple contrôle, ironisa Daniel.
-Vous le savez tout aussi bien que moi. Suivez-nous sans discuter!
-Répondez à ma question. En quoi un simple jeune brâkmarien de passage accompagné d'une amie locale est-il une menace suffisante pour un tel déploiement de force?
-Exécution!»
Trois clients, lames en mains, se jetèrent sur la guérisseuse et l'immobilisèrent.
«Suivez-moi ou elle meurt! Un si belle gorge... Ça serait dommage qu'elle soit détruire par un poignard...»
Daniel regarda le capitaine des Gardes à la chevalière. Une lueur malice et perverse brillait dans ses yeux.
«Ou sinon nous pourrions la livrer à des Gardes, certains n'ont pas vu de femme depuis une éternité. Ou alors je pourrais arracher un de ces si jolis yeux violets.»
Le Porteur passait son regard de Victoire à l'osamodas. Il fit disparaître son arme et s'avança vers celui-ci.
«Très bien. Avance tout doucement... Et n'essaye pas de te téléporter, ou la fille meurt.»
Daniel passa une première table tout doucement, un pas après l'autre. Une deuxième. Il admira Victoire comme s'il pouvait la perdre à tôt instant, ce qui était par ailleurs vrai. Elle n'était qu'à quelques pas.
«Décale-toi! Ne passe pas près de ton amie.»
Il se concentra sur la chevalière. Elle était si noire qu'elle semblait absorber toute la lum... Comme au Kanojedo!
«Et pourquoi devrais-je me fier à une personne portant ce sceau? La dernière fois que j'ai vu une arme de ce...»
Il ne finit bien sûr pas sa phrase. Ösrigur jaillit de sa main. Les mercenaires voulurent égorger son amie. Il était déjà sur eux. Son arme virevolta et les éjecta sur les murs de pierres. Il prit Victoire par la main et dit :
«A mon tour de vous faire une offre. Laissez-nous sortir et vous ne mourrez pas.
-Tuez-les!»
Le combat débuta. Les arcs vibrèrent et les lames entamèrent leur danse mortelle. Daniel sauta sur le côté tandis que Victoire se jetait à terre. Elle se releva, attrapa la petite épée que son ami lui lançait et recula vers la fenêtre en parant tant bien que mal. Le Porteur virevolta entre les Gardes, Ösrigur brisant côtes et os. L'osamodas matérialisa une hache d'obscurité tandis que son Gobgob se faufila entre les tables vers la pandawa. Le voyant arriver, celle-ci voulut monta sur une table et l'écrasa violemment avec une chaise. Rudimentaire mais efficace. Un coup de faux lui entailla l'épaule. Elle se laissa tomber de la table pour tenter d'atteindre la cave. Une flèche se planta dans sa cuisse. Elle hurla, arracha la pointe, et se traîna vers la cave. La faux manqua ses doigts de trois centimètres. Son propriétaire venait d'être brisé, presque littéralement, par Ösrigur.
Daniel tendit doigts illuminés vers la jeune en blanc puis se retourna. Son sceptre se glissa sous la garde d'un iop et le transperça. Un bouclier féca dont il ignorait l'existence le sauva des coups des autres combattants. Il susurra trois notes. Les vitres explosèrent en éclat et meurtrirent des adversaires. Seul restait l'osamodas et son Gobgob, celui-ci ayant digéré la chaise.
«Tu te débrouilles bien pour un novice, remarqua-t-il avant de siffler son symbiote.»
Ce dernier fit pleuvoir de petites étoiles. Daniel, qui les parait sans réfléchir, frappa d'estoc la petit chose. Elle fut désintégrée sous le choc. Le Garde restant ne cilla pas. Des quidams en quête de gloire commençaient à affluer vers le combat. L'homme à la chevalière se mit en mouvement. Il se mouvait comme un félin jouant avec sa proie. Victoire, guérie par les dons du Porteur, lui lança un tonneau embrasé. Il ne l'atteint jamais et fut dévié par un vent sortit de nul part.
«Inutile Victoire, nota Daniel sans quitter son adversaire des yeux. Sors, les passants te protégeront. Il est trop expérimenté pour toi. Sors!
-Non!
-Vicky...
-Tu devrais l'écouter, insista celui qui avait perdu son symbiote. Ne te mêle pas de ça.»
Pour toute réponse, elle réapparut à côté du tonneau, plongea une main dedans et l'éclaboussa. Exaspère, il avança vers elle et feinta. Inexpérimentée, Victoire voulut para la feinte. Daniel lui sauva la vie en glissant Ösrigur entre son crâne et le tranchant. Des étincelles blanches jaillirent lorsque les armes entrèrent en contact. Elle se réfugia derrière la garde du Porteur.
«Abandonne, tu n'as pas assez de puissance pour me vaincre, clama le capitaine.»
Le Porteur attaqua. Son arme virevoltait dans tous les sens. Le sceptre glissait dans sa main pour enchaîner parades et ripostes. Son adversaire se battait au moins aussi vite. Le ciel ce mettait à gronder, sans nuages. L'osamodas accéléra ses coups. Daniel adapta son rythme sans problèmes. Leurs coups se répondaient toujours, sans qu'aucun des doigts ne semblât se fatiguer. Des flammes noires jaillirent de partout vers le jeune blond. Elles disparaissaient avant de le toucher. Le Garde recula et sauta. L'autre tendit le bras et une sphère d’énergie le cueillit en plein vol. Daniel ne lui laissa pas un instant de répit. Il fut soudain derrière sol adversaire, lui enfonça Ösrigur au creux des reins avant de le frapper dans les cotes. Le capitaine tenta de contrattaquer... Le Porteur profita de cette faille dans son temps. Il se glissa sous la lame et, presque comme s'il le caressait, fit remonter une main brûlante sur sa main porteuse avant d'envoyer son sceptre briser l'autre bras.
«Da... Daniel, comment tu as fait ça?»
L'armure du bras de l'osamodas avait bel et bien fondu sous sa main. L'ancien disciple traça des arabesques lumineuses avec son arme dans l'air. Ösrigur se planta, suivit par une trainée de runes, dans la chevalière. Un son abominable s'échappa de la relique brisée. Victoire se boucha les oreilles à deux mains. Daniel remit un autre coup. Et encore. Et encore. Jusqu'à qu'une déflagration interne disloquât la bague.
Le Général des Soldats en personne entra dans la salle, jonchée de meubles brisés et de corps encore tièdes :
«Mais... Qui êtes vous?»
Page précédentePage suivanteDerniére modification le 13/08/13 é 09:29
Liste des principales mises é jour :
20/07/13 - Fin de ce premier Carnet!
Pour ne pas spoiler, je vais ramener des personnages dans l'Epilogue. Ben oui, il en faut le plus possible pour en tuer le plus possible! CQFD! Merci G.Martin!
Bouloucc, Eri' et tous les autres, revenez! :(